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Caïn et Abel

Caïn et Abel

Titel: Caïn et Abel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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des thèmes d’exégèse, la matière d’un cours. Ils sont ma souffrance, ma chair et mon sang.
     
    Je sais que je suis un père aussi coupable que Judas. Je connais l’acte d’accusation que Dieu aprononcé, que Jean a entendu et recueilli dans ce verset de l’Apocalypse qui me hante :
    « Mais j’ai contre toi que tu as laissé ton premier amour. »
    J’ai abandonné Marie, je me suis perdu dans les labyrinthes de l’égoïsme et du plaisir.
    Je n’ai pas vu le corps de Marie maigrir, sa vie s’étioler, je n’ai pas imaginé qu’elle pourrait, de sa propre main, se clouer sur la croix, poignets et gorge tranchés.
     
    J’ai une tâche à accomplir.
    Si je ne suis pas saisi ou séduit par la mort, je veux m’approcher de ce mystère, vivre ainsi avec Marie, écrire ce livre, accompagner les prophètes et les rêveurs, les élus et les victimes qui, avec l’aide de Dieu et contre le Diable, ont cherché à construire une Cité idéale faite de justice et d’amour.
    Ce Livre de la vie commencera à Jean et je le poursuivrai jusqu’à ce que ma mort en constitue l’ultime chapitre.
    Je l’intitulerai : Apocalypse et Espérance.

13
    Je laisse la parole à Prochoros le Grec.
    Durant des années, il a recueilli les propos, les prophéties de Jean, le plus jeune disciple du Christ, celui qui fut, avec André et Simon – que Jésus nomma Pierre –, l’un des trois premiers apôtres.
    « C’était celui que Jésus préférait, qu’il aimait », assurait Prochoros.
    Il n’avait connu Jean qu’aux jours funèbres de la Crucifixion et à ceux, fulgurants, de la Résurrection. Mais Jean évoquait souvent son enfance au bord du lac de Tibériade, dans la petite ville de Bethsaïde, là où le Christ l’avait choisi pour être l’un des apôtres.
    Avec le Seigneur, Jean avait marché vers Cana, et, d’une voix ardente, les yeux fixes, comme si la scène qu’il décrivait se déroulait à nouveau devant lui, il racontait le miracle accompli parJésus, l’eau convertie en vin lors de ce repas de noces auquel, avec le Christ, il avait été convié.
    « J’étais allongé près du Seigneur… », disait Jean.
    Il s’interrompait, se recroquevillait comme si une brutale douleur le déchirait, puis il répétait dans un murmure :
    « Au cours des repas, nous étions allongés côte à côte et souvent je posais ma tête sur la poitrine du Seigneur. »
    Il en avait été ainsi lors de ce repas de la Pâque de l’an 30, quand Jésus déclara aux douze apôtres :
    « Vous êtes purs, mais non pas tous. En vérité, en vérité, je vous le dis, l’un de vous me trahira. »
    Et Jean d’ajouter qu’il avait alors questionné Jésus :
    « Seigneur, qui est-ce ? »
    Jésus lui avait répondu – mais ce n’avait été qu’un chuchotement émis en remuant à peine les lèvres, car tous les autres apôtres avaient les yeux rivés sur lui, et seul Jean avait eu le privilège de l’entendre :
    « C’est celui à qui je présenterai le morceau de pain trempé. »
    Il avait brisé le pain, l’avait trempé et l’avait tendu à Judas Iscariote.
    « Ce que tu fais, fais-le vite », avait-il dit à Judas.
    Seul de tous les apôtres, Jean avait compris le sens de ces mots-là. Et, seul d’entre eux, il avait été au pied de la Croix aux côtés de la Vierge Marie. Ils avaient l’un et l’autre assisté à l’agonie du Christ. Et celui-ci, accompagnant son murmure d’un mouvement de tête en direction de Jean, avait dit :
    « Femme, voici ton fils. »
    Puis, désignant la Vierge Marie, il avait ajouté :
    « Voici ta mère. »
    Et ce fut Jean qui entendit le Christ se lamenter d’une voix exténuée, désespérée :
    «  Eloi, Eloi, lama sabachthani ? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? »
     
    Jean pleurait lorsqu’il se remémorait les derniers instants de la vie du Christ, ce moment de doute au seuil de la mort, quand la Bête rôde autour de l’homme afin qu’il renie ce qu’il est, Fils de Dieu, Homme-Dieu qui ne peut renoncer à l’espérance.
    « J’attendais, murmurait Prochoros. Je savais que l’aube viendrait après les ténèbres. »
    Et Jean, qui s’était tassé, les mains plaquées sur le visage afin de dissimuler ses larmes, se redressait enfin. Il énumérait les miracles accomplis, les corps qui semblaient morts et qui, tout à coup,parce que le Christ les avait touchés, retrouvaient la vie. Ou bien c’était la tempête

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