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Caïn et Abel

Caïn et Abel

Titel: Caïn et Abel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rejoignent des hordes commandées par le comte Emich de Leisingen et le prêtre Folkmar. On pourchasse les juifs à Spire, à Trèves, à Worms, à Mayence.
    Dans cette dernière ville, l’évêque recueille chez lui de ces juifs qu’on veut tuer. Mais les bandes s’attaquent à la synagogue, la ravagent, dévident les rouleaux de la Thora dont ils se moquent et qu’ils dispersent dans les rues. Les morts se comptent par centaines.
     
    Puis l’orage s’éloigne. La multitude a repris la route, atteint Constantinople où elle se remet à piller, à détruire.
    Un témoin raconte : « Ni l’hospitalité des habitants, ni l’affabilité de l’empereur ne purent adoucir ces pèlerins qui portaient sur l’épaule la croix des croisés. Ils se conduisaient avec une extrême insolence, saccageant les palais de la ville, mettant le feu à d’autres édifices, enlevant les plombs qui couvraient le toit des églises afin de le revendre. »
    On les força à quitter la ville, à traverser le bras de mer dit de Saint-Georges, à gagner ainsi l’Asie.
    C’était pousser cette multitude dans l’abattoir turc.
    Ces gueux ignoraient l’art de se servir de l’arbalète. Ils ne savaient manier que le bâton et la faux. Ils étaient mains et poitrines nues, et les Turcs les massacrèrent.
    « Que de têtes coupées, que d’ossements d’hommes tués nous trouvâmes étendus dans leschamps ! Ces ossements composaient un énorme tas, ou plutôt un tertre, ou plutôt une colline, ou plutôt une haute montagne couvrant une immense superficie. »
    Ces croisés, ces gueux qui avaient voulu libérer le Saint-Sépulcre, on fit avec leurs ossements les murs de Nicomédie, petite cité d’Asie Mineure.
    Quel homme peut connaître son destin ?

20
    J’aurais dû m’interrompre, cesser de fournir à Veraghen ces pierres aiguës avec lesquelles il allait achever de me lapider. N’avais-je pas déjà tout dit de cette première croisade, des méfaits et des crimes perpétrés par cette multitude de gueux partis vers Jérusalem en clamant des cantiques avec la ferveur des pèlerins et devenus une horde de bêtes sauvages laissant derrière elle des femmes éventrées, des hommes brûlés vifs ?
    J’ai livré les noms de ces comtes et de ces barons qui avaient renié leur serment de chevalier et s’étaient conduits en chefs de bande, accompagnés par des prêtres qui bénissaient les criminels, puis se vautraient eux aussi dans le vol et la débauche. Alors que plus personne, ni Veraghen ni les étudiants, ne me posait de question, j’ai réduit à néant la légende de Pierre l’Ermite, qui avait abandonné ceux qui avaient cru en saparole. J’ai continué à vomir comme un malade secoué de spasmes qu’il ne parvient plus à contenir et qui souhaite vider son corps de tout ce qui le ronge, qui sent son ventre et sa bouche encore féconds de nouvelles horreurs.
     
    Les juifs, ai-je poursuivi, on ne les avait pas seulement pourchassés et tués dans les villes d’Allemagne, puis tout au long de la route, mais déjà à Rouen, à Troyes, au départ même de la croisade.
    On avait exigé d’eux, en passant le fil de la lame sur leur gorge, qu’ils écrivent à leurs coreligionnaires de Trèves ou de Cologne, de Spire, de Mayence ou de Worms, de se plier aux exigences des croisés. Que les communautés fournissent argent, chevaux, nourriture aux pèlerins !
     
    J’ai vomi ces faits appris, ressassés, enseignés, mais jamais vécus comme à cet instant, à quelques centaines de pas de la grotte de l’Apocalypse.
    J’avais besoin de cette confession, de clamer ma complicité avec ces barbares qui se réclamaient du Christ et se comportaient en créatures du Diable.
    Celui-ci n’avait pas seulement détourné les pauvres devenus esclaves : il avait perverti les barons, les chevaliers.
     
    Comment ne pas rappeler le sort réservé aux païens par les croisés lorsqu’ils ont enfin conquis la ville de Maara en décembre 1098 ?
    Tandis que je parlais, j’ai vu Louis Veraghen, Rosa Berelowicz, Vangelis Natakis et les autres baisser la tête comme si eux aussi se sentaient honteux, coupables.
    « Pendant trois jours, les croisés passèrent au fil de l’épée les habitants de la ville… Les nôtres faisaient bouillir les païens adultes dans des marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et, grillés, les dévoraient. »
    Un autre chroniqueur précisait :
    « Une terrible famine assaillit

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