Cathares
et le fit monter sur le bûcher. Le Bihan observa un instant les spectateurs et il fut convaincu que certains avaient été ébranlés par les quelques mots qu’il avait prononcés. Mais il était trop tard. Cette vie était finie. Alors que le feu commençait à prendre à la base du bûcher, l’esprit de Le Bihan fut traversé par mille pensées incongrues. Des moments d’enfance, un sourire de Joséphine, une salle de classe qui chahute... Son cerveau lui faisait penser à un cheval indompté qu’il ne parvenait pas à raisonner. Une dernière fois, le bourreau vint vérifier qu’il était bien attaché au poteau. Il lui glissa quelque chose dans la main et lui murmura à l’oreille.
— Faites vite !
Tandis que Betty était à son tour conduite au bûcher, Le Bihan comprit que son bourreau lui avait donné un couteau à la longue lame tranchante. L’historien qui sentait les flammes commencer à monter vers lui jusqu’à lui lécher les pieds commença à couper, animé par la rage du désespoir. Toute cette scène infernale vrillait, tourbillonnait autour de lui. Le corps de Bertrand disparaissait, dévoré par les flammes. Le bourreau s’activait pour faire prendre le feu du bûcher de Betty. Le quatrième encagoulé amenait Mireille devant le lieu de son supplice. Les quatre Bons Hommes se tenaient au centre de la cour et Karl von Graf prononçait un sermon à la gloire de l’Ordre. Les mots du maître. Le claquement des étendards dans le vent qui se levait. Le regard des frères dans lequel transperçaient, tour à tour, l’angoisse, mais aussi la détermination. Le reflet de la lune sur les murailles ancestrales de la forteresse. Et enfin, le couteau vint à bout de la corde.
Le gardien de Le Bihan courut au milieu de la cour et sortit un revolver qu’il pointa sur Karl von Graf. Au même moment, le bourreau de Mireille venait de l’attacher à son poteau de souffrance. Un autre Bon Homme sortit à son tour son revolver de sous son mantel. Le bourreau se retourna rapidement et lui tira une balle dans la tête. L’homme s’écroula instantanément, mais ces quelques secondes avaient suffi pour que le maître s’échappe. Une peur panique s’empara de l’assistance. Les frères commencèrent à courir en tout sens. L’un décocha un direct au menton qui assomma le bourreau qui se préparait à allumer le bûcher de Mireille. Pendant ce temps, Le Bihan sautait sur le bûcher pour libérer Betty. Il lui coupa la corde qui retenait ses bras derrière le poteau quand une flamme vint lui brûler le bras gauche. Intoxiquée par la fumée, Betty perdit connaissance quand Le Bihan la déposa à terre. Le bourreau qui lui avait sauvé la vie vint à sa rencontre. Il enleva sa cagoule.
— Léon ! s’exclama Le Bihan.
— C’te guigne, leur chef s’est enfui, répondit-il.
« Sous le donjon de Montségur, il prépare la résurrection des Cathares. »
— Je crois savoir où il est.
Dans la cour, la situation était des plus confuses. Les frères s’étaient révoltés contre leurs anciens maîtres et avaient capturé les trois survivants. D’autres réconfortaient les suppliciés. Certains tentaient de calmer le feu du premier bûcher, mais pour Bertrand, il était déjà trop tard. Son corps achevait de se consumer. Le Bihan sortit de la cour du château par la porte nord, celle par laquelle il avait été mené au supplice quelques minutes auparavant. Il passa la porte et fut stoppé net par un coup de feu qui manqua de le toucher. Ce diable de von Graf lui avait-il tendu un piège ? Le Bihan n’était pas armé. Instinctivement, il ramassa une épée qui avait été abandonnée par un frère quand une voix l’interpella :
— Tu ne t’en sortiras pas vivant, lui dit Chenal qui le visait avec son revolver.
— La partie est finie, non ?
— Pour toi, oui, mais pour moi, elle ne fait que commencer.
Un nouveau coup partit et blessa cette fois Le Bihan à l’avant-bras. La douleur était intense, mais étrangement, il ne la ressentit pas immédiatement. Les deux hommes étaient proches du promontoire rocheux situé à l’extrémité du donjon. Ils dominaient la vallée et à cet endroit du château, loin des torches, l’obscurité était complète. Le Bihan décida de jouer le tout pour le tout. Il donna un grand coup d’épée dans le mur qui provoqua surtout un assourdissant bruit de métal dans la nuit. Chenal eut un mouvement de recul. Ce fut suffisant pour le
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