Cathares
fils d’un petit pêcheur breton qui avait réussi à mettre le grappin sur la fille d’un notable. Partout où j’allais en ville, je sentais que je faisais l’objet de commentaires, de railleries, de calomnies. Clémence faisait tout pour que je me sente bien, mais je savais que je n’étais pas à ma place.
— Tu n’avais rien à reprocher à ma mère !
— Non, mais elle faisait partie de son monde. Je ne pouvais pas lui demander de choisir. C’était à moi de le faire ! Et je n’avais pas le courage de le faire seul.
— Et tu as commencé à la tromper ! Tu es formidable ! Tu l’as trahie et tu arrives encore à te donner le bon rôle.
— Oui, j’ai collectionné les aventures, poursuivit-il baissant un peu la tête. Mais elles ne comptaient pas pour moi, je cherchais seulement à me défouler. Et surtout, j’avais été à bonne école, celle de la bourgeoisie de la ville. Personne n’était au courant de mes escapades, car mes conquêtes fréquentaient plus les marchés et les cafés des quartiers populaires que les soirées des notables. Puis, il y eut Eugénie.
— La putain ?
— Libre à toi de la voir comme cela. En tout cas, elle a changé ma vie. Elle m’a donné l’impression d’être plus libre et même un peu moins minable. Mais cette fois, je jouais un jeu beaucoup plus dangereux. Il ne s’agissait plus de passades, mais d’une véritable liaison. Eugénie n’était pas le genre de femme à accepter de vivre dans l’ombre.
— Et sans le sou, je me trompe ?
— Non, répondit-il à voix basse. Je lui ai fait pas mal de cadeaux. C’était plus fort qu’elle, Eugénie avait des goûts de luxe. Au début, je réussissais à la contenter, mais très vite, je n’ai plus réussi à suivre. Je croyais pouvoir la raisonner, mais elle était devenue intraitable et parfois même menaçante. Et elle a commencé ensuite à me faire chanter.
— Pauvre homme, pris à son propre piège !
— Tu vois, il y a une justice, non ? J’ai essayé de lutter et elle s’est vengée en racontant tout à Clémence. Tout cela lui a fait beaucoup de mal. J’étais tellement malheureux pour elle !
Pierre Le Bihan était dégoûté. Il haussa à nouveau le ton :
— Malheureux ? Mais comment oses-tu ?
— C’était le cas. Ton grand-père a tout appris et il m’a proprement éjecté de la maison. J’ai été congédié comme un domestique qui aurait piqué l’argenterie. D’une certaine manière, je ne m’étais pas trompé. Je n’avais jamais réussi à quitter ma condition.
— Maman m’a dit qu’elle t’avait défendu ! s’exclama Pierre.
— C’est vrai, répondit-il avec assurance. J’aurais pu rester dans la famille, mais comme un pestiféré et devant un beau-père déterminé à me faire payer au prix fort ma trahison. Alors, j’ai préféré partir.
— Tu veux dire t’enfuir ?
— Peut-être. Je m’étais dit que j’avais fait assez de mal comme cela.
— Tu racontes bien, Maurice ! Pour un peu, tu réussirais presque à décrocher le rôle du héros dans cette histoire. Mais tu inventes ! La vérité, c’est que tu nous as laissé tomber comme si nous avions été deux inconnus ! Tu t’es comporté comme un lâche ! Tu pouvais leur prouver à tous que tu avais un peu de cran. Non, tu as préféré quitter la maison en pleine nuit, comme un voleur qui détale en prenant soin de prendre du fric dans le coffre de grand-père !
— Cet argent m’appartenait !
— Boucle-la ! Je m’en fiche de tes lamentations ! Que faisais-tu dans cette grotte ? Tu vas me répondre, hein ? Tu vas me répondre ?
Pierre Le Bihan avait saisi son père au cou et commencé à le secouer. Emporté par sa colère, il n’avait pas vu qu’un gendarme était arrivé à la hauteur de sa voiture. L’homme de loi tapa fermement sur le pare-brise. Le Bihan relâcha son étreinte et descendit la vitre.
— Alors Monsieur, l’apostropha le gendarme. Vous êtes nerveux ? Faut vous calmer, hein ! Vos papiers !
— C’est que... balbutia Le Bihan en donnant sa carte d’identité.
— Pas de problème, l’interrompit Maurice. Il s’agit d’une stupide dispute familiale. Je vous assure que je l’avais bien cherché !
Il commença ensuite à rire. Loin d’être convaincu, le gendarme regarda Maurice Le Bihan avec attention.
— Mais, remarqua-t-il, vous êtes blessé !
— Oh ! s’exclama Maurice, voilà justement le
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