Cathares
socle de statue. Mais même en balayant de près le faisceau de sa torche, Le Bihan ne trouva pas la moindre trace d’épée gravée ou de signature liée au martyre de la sainte.
L’historien allait se relever lorsqu’il sentit un violent coup de bâton dans les côtes. Le curé l’avait suivi depuis son entrée dans l’église. Et cette fois, il était bien décidé à ne pas le laisser filer sans explication. Sous la force du choc, Le Bihan avait laissé tomber sa torche à terre et celle-ci s’était brisée si bien que la crypte se trouvait plongée dans l’obscurité. Il s’engagea dès lors une bagarre dont il était difficile de déterminer qui prenait l’avantage et où se portaient les coups. Après avoir encaissé un poing dans sa mâchoire, Le Bihan fit un grand moulinet avec son sac qui contenait notamment la petite pioche et la pelle. Il ne rencontra pas sa cible à la première tentative, mais la seconde fut la bonne. Le curé lâcha un cri de douleur et tomba à la renverse. Le Bihan bondit dans les escaliers et courut dans la nef. Une fois dehors, il reprit une allure normale et se rendit à l’hôtel pour régler sa note et s’éclipser au plus vite. Tandis qu’il redescendait les marches du vieil escalier de bois après avoir été chercher sa valise dans sa chambre, il surprit une bribe de conversation entre l’hôtelier et un de ses amis dans la réception. Le premier parlait très clairement de « l’étranger qui fouinait dans l’église » en ajoutant que Monsieur le Curé lui avait demandé de l’observer attentivement. L’autre ajouta que, depuis le vol de la statue, le curé avait toutes les raisons de se méfier des inconnus ! Le Bihan se racla la gorge afin de signaler sa présence et se retrouva face aux deux hommes qui parlaient de lui quelques secondes auparavant. L’hôtelier feignit de regretter son départ et prit le temps de faire son compte. Celui-ci ne portait que sur une nuit et une seconde journée entamée, mais le calcul paraissait sans fin. Pendant ce temps, l’autre homme l’observait avec le regard du détective proche de la résolution d’une énigme. De toute évidence, il éprouvait une vive antipathie pour le « fouineur » et comptait bien la lui faire sentir. Sans le savoir, il allait apporter in extremis à Le Bihan la solution à son problème qui paraissait pourtant inextricable. Il confia à son ami qu’à présent le trésor de Santa Lucia était en sécurité puisque la police avait bien fait son travail en coffrant le voleur et que la statue était désormais protégée au musée d’Art sacré de Pavie. L’historien ne pouvait pas espérer meilleur coup de main. Il tenta de réprimer un sourire, régla enfin sa note et se dirigea rapidement vers la gare. Le curé devait avoir mis du temps à encaisser le coup, car il n’avait pas encore donné l’alerte alors que Le Bihan dut patienter près d’une heure pour sauter dans le premier train qui l’emmenait à Pavie.
La suite se révéla beaucoup plus facile. Le Bihan se rendit au musée d’Art sacré de Pavie en se faisant passer pour un inspecteur du Louvre qui préparait une grande exposition consacrée à l’iconographie des saints. Il obtint de pouvoir examiner à l’aise la statue de sainte Lucie qui avait été subtilisée dans l’église et puis retrouvée par la police et confiée au musée. Cette fois, le signe était très petit et tracé à la base de l’oeuvre, mais il n’y avait aucun doute : c’était bien une épée ! Le Bihan ôta ce qui ressemblait à un petit bouchon d’argile et en sortit le document qui avait été plié et glissé dans la statue. Il remit soigneusement le bouchon en place et s’accorda quelques instants de contemplation. Malgré la souffrance qu’elle avait endurée pour avoir refusé de renoncer à la chasteté, la sainte offrait un visage baigné d’un sourire qui exprimait une profonde sérénité.
59
De longues draperies blanches avaient été suspendues sur les quatre murs de la pièce. Le grand blason de la confrérie unissant la croix cathare et la double rune de la SS recouvrait l’autel sur lequel avait été posé un calice d’argent gravé d’une colombe. Le Parfait comptait les hampes de drapeaux qu’on venait de lui apporter. Visiblement satisfait, il examina les armes que contenaient quatre longues caisses de bois empilées les unes sur les autres. Il s’y reprit à plusieurs fois pour être sûr de ne
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