Cathares
Ne s’agissait-il pas de cet officier de la SS que Léon affirmait avoir tué dans un attentat ? Le Bihan relut ces lignes. Elles devaient être écrites par quelqu’un qui avait été au courant de l’épisode de l’église de Mirepoix. Il pensa ensuite au donjon de Montségur. La tentation était grande d’y aller dès la première heure du jour, mais il avait réservé son train pour demain. Il décida de ne pas tenir compte de ce message tout de suite et même de ne pas en parler à Chenal. Pour la fenêtre, il n’aurait qu’à inventer une maladresse. C’était d’autant plus plausible qu’elle s’ouvrait de l’intérieur et que les débris de verre se trouvaient dans sa chambre.
58
León
Le premier voyage se révéla beaucoup plus simple que Le Bihan ne l’aurait imaginé. Il faut dire qu’il avait pris le soin de bien le préparer en ne laissant rien au hasard. Son train arriva en gare de León en début d’après-midi, ce qui lui laissait le temps de déposer sa petite valise à l’hôtel qu’il avait choisi non loin de l’Iglesia San Lorenzo. Quand il sortit à nouveau dans la rue pour se rendre dans l’édifice religieux, il eut une pensée pour Amiel Aicard, le Bon Homme qui avait quitté Montségur, le coeur battant, pour effectuer un long voyage semé d’embûches qui l’avait mené dans ce coin reculé d’Espagne. Il songea aussi à la peine qui avait été la sienne d’avoir été contraint d’abandonner ses amis et ses frères promis à une mort atroce. Peut-être que le dénommé Aicard aurait préféré mourir avec eux plutôt que de poursuivre sa vie loin de ceux qu’il avait aimés et de la foi intense qu’il avait nourrie.
Le Bihan n’eut pas besoin de pousser la porte, car l’église était ouverte. À cette heure de l’après-midi où la chaleur commençait à faiblir dans les rues, il n’y avait qu’une petite dame dans la nef. Elle était maigre, presque rabougrie et vêtue de noir. Agenouillée sur son prie-Dieu, elle égrainait son chapelet en psalmodiant ses prières. Elle ne porta pas la moindre attention au jeune homme qui venait d’entrer. Le Bihan sortit son petit papier sur lequel il avait consigné les informations nécessaires. Le tableau du martyre de Saint-Laurent se trouvait dans la troisième chapelle latérale du bas-côté droit. Il fut soulagé en découvrant la figure du saint et s’agenouilla à son tour. Mais sa prière concernait plutôt un signe, celui que Betty avait retranscrit dans la grotte. Un petit dessin de gril. Il scruta chaque pierre autour de lui pour le retrouver.
Il ne cherchait que depuis quelques minutes, mais il commençait déjà à perdre espoir. La chapelle était petite et il lui semblait avoir déjà détaillé chaque élément du carrelage vernissé ou du parement de mur. Son regard descendit une nouvelle fois vers le sol, juste au pied de l’autel de marbre qu’il trouvait excessivement orné selon le goût en vogue dans l’Europe de la Contre-Réforme. La sobriété du pavement contrastait avec le flamboiement baroque de la chapelle. Le Bihan se dit que c’était un bon signe puisque cela tendait à prouver que le sol d’origine avait bel et bien été préservé. Son regard s’arrêta sur quelques traits incisés dans la pierre. A priori, ils ne figuraient rien, mais avec l’épreuve du temps, ils avaient très bien pu être le dessin de gril qu’il cherchait.
Il entendit un grincement derrière lui. Il se retourna, craignant qu’un nouveau fidèle ne soit entré dans l’église. Non, la vieille femme s’était levée et elle trottinait à présent vers la sortie tout en continuant à triturer son chapelet. Elle prit soin de fermer la porte comme une maîtresse de maison qui craint les courants d’air. Le Bihan en profita pour aller coincer la porte avec une chaise. Cela lui laissait quelque temps de répit pour fouiller. Il sortit un petit pic de son sac et entreprit de desceller la pierre. Depuis sept siècles, celle-ci s’était solidement arrimée à ses semblables et l’opération se révéla loin d’être simple. Le Bihan était d’autant plus nerveux qu’il savait que le temps lui était compté. Il avait vu à l’entrée que les vêpres étaient célébrées à dix-sept heures.
À force de triturer le pic entre les deux dalles, celle qui portait le dessin venait de céder. En deux morceaux nettement découpés. L’historien de l’art qu’il était ne pouvait s’empêcher
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