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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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coup moins peur de sa femme que de coutume. Il venait de découvrir une arme contre elle et, apparemment, entendait bien s'en servir. Ils se dirigeaient vers la porte, étrange couple lié par les chaînes solides de la cupidité et de la haine mieux que par le plus tendre amour, fantômes maléfiques échappés d'un cauchemar. Et elle songea que le pire des châtiments serait peut-être de les enfermer ensemble dans une étroite pièce, le chacal avec la hyène, et de les y laisser s'entre-déchirer durant une éternité... Quelle damnation vaudrait ce tête-à-tête ?
    Mais elle n'eut pas le temps de les voir disparaître. L'un des bourreaux avait abattu sur son épaule sa grosse patte velue, serrée dans un poignet de cuir, et l'entraînait vers le fond de la salle de tortures.
    — C'est par ici, la belle !
    Cependant, son compagnon détachait le corps inerte de Fero qui glissait à terre avec un bruit mat. Catherine sentit une larme piquer ses yeux. Cet homme l'avait aimée, cette chair suppliciée avait vibré, chaude et vivante, contre la sienne, ces lèvres exsangues que les dents avaient déchirées avaient murmuré des mots d'amour et l'avaient couverte de baisers fous... et, maintenant, Fero n'était plus qu'un peu de chair sanglante qui, tout à l'heure, redescendrait vers le campement.
    En imaginant la douleur de Tereina, un sanglot monta de la poitrine de Catherine, creva sur ses lèvres. L'homme qui l'entraînait se méprit sur sa signification.
    — Il est bien temps de pleurer maintenant que tu as signé ton arrêt de mort, pauvre idiote ! Quelle mouche t'a piquée de t'attaquer à cette femme terrible ?
    Et, comme Catherine ne répondait pas, il hocha sa grosse tête, si dépourvue de cou qu'elle paraissait posée directement sur les massives épaules.
    Ça me fera peine de te tourmenter parce que c'est dommage d'abîmer une belle fille comme toi. Mais il est probable qu'elle te fera payer cruellement ce que tu lui as fait.
    — Que peut-elle faire d'autre que me tuer ? fit Catherine méprisante.
    — Il y a tuer et tuer. J'aimerais bien n'avoir qu'à te pendre, mais elle ne se contentera pas de ça. Enfin... je tâcherai d'être maladroit pour que ça ne dure pas trop longtemps.
    L'intention de l'homme était bonne, mais ce qu'évoquaient ses paroles était abominable et Catherine serra les dents pour ne pas frissonner.
    — Merci, dit-elle seulement.

    Au sortir de la salle basse, le tourmenteur et sa prisonnière avaient pris un étroit couloir sur lequel ouvraient trois portes bardées de fer.
    L'une d'elles était ouverte. L'homme y poussa Catherine qui se trouva dans un cachot étroit et humide. Une cruche verdie et un tas de paille moisie composaient tout le mobilier avec une paire de bracelets de fer reliés au mur par deux chaînes rouillées. Un peu de jour pénétrait dans cette cave par un soupirail, à peine large comme la main et placé trop haut pour que l'on pût l'atteindre. Sans doute à ras du sol, car un peu d'eau boueuse en dégouttait.
    — Te voilà chez toi, dit le bourreau. Donne tes mains.
    Elle les tendit sans résistance. Les lourds bracelets de fer claquèrent autour des fragiles poignets que l'homme, un instant, garda dans les siennes.
    — Tu as de jolies mains, dit-il, des mains de dame... Oui, c'est bien dommage. Il y a des jours où mon métier est bien triste.
    — Pourquoi le faites-vous, alors ?
    La face plate du bourreau prit un air de naïve surprise tandis qu'une sorte de sourire découvrait ses dents jaunes.
    Mais... parce que je n'en connais point d'autre. Mon père l'a fait avant moi et son père avant lui. C'est un beau métier, tu sais, qui peut mener loin quand on est habile. Moi, je serai peut-être un jour tourmenteur-juré dans une grande ville. Il y a des raffinements qui vous font apprécier. Ah, si le Roi rentrait à Paris, c'est ça qui serait beau !
    Avec une horreur dont elle ne fut pas maîtresse, Catherine fixait les taches de sang encore frais qui maculaient le torse épais de l'homme.
    Il s'en aperçut, ébaucha un sourire gêné.
    — Allons, je ne veux pas te faire peur. Tu me prendrais pour une brute. Tâche de dormir, si tu peux.
    Craignant de l'avoir froissé et désireuse de ne pas s'en faire un ennemi, elle demanda :
    — Comment vous appelez-vous ?
    — C'est gentil de le demander. C'est pas souvent que ça m'arrive, tu sais. On m'appelle Aycelin le Rouge... oui, Aycelin. Ma mère disait que c'était un joli nom...
    — Elle avait

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