Catherine des grands chemins
rocher, battit le briquet et alluma. Une grande cave taillée dans la craie, garnie de fûts et de tonneaux de toutes tailles, apparut. Une forte odeur de vin s'en dégageait. Des outils de tonnelier étaient rangés dans un coin, sur un établi, auprès d'une cuve où trempaient des bouteilles vides. L'ensemble avait un air si débonnaire que Catherine regarda son hôte d'un air interrogateur. Était-ce là le décor d'une conspiration ?
Pour toute réponse, Agnelet sourit, alla au fond de la cave et déplaça un tonneau qui n'avait pas l'air de peser bien lourd. Une ouverture oblongue parut. Elle s'enfonçait dans le mur.
— Passez, noble dame, fit l'aubergiste, je remettrai le tonneau derrière nous. Cette entrée doit demeurée cachée. Nous sommes sous le château du Milieu. Le Roi dort au-dessus de nos têtes.
Sans hésiter, Catherine s'engagea dans une petite galerie éclairée par une torche, au bout de laquelle une pièce devait s'ouvrir. Ce boyau n'avait que quelques pas qui, une fois parcourus, conduisirent Catherine et son guide à l'entrée d'une grotte beaucoup plus grande au fond de laquelle un escalier rudimentaire, creusé à même le rocher crayeux, s'élevait et se perdait dans l'ombre des voûtes. Là aussi il y avait quelques tonneaux, mais ils étaient renversés et quatre hommes étaient assis dessus.
Ils ne disaient pas un mot. Immobiles comme des statues, ils semblaient attendre autour d'une lampe à huile. Mais tous, d'un même mouvement, se tournèrent vers les arrivants.
Outre Pierre de Brézé, Catherine reconnut les cheveux roux, le visage sans sourire d'Ambroise de Loré, l'élégante et mince silhouette de Jean de Bueil, la carrure et les traits volontaires du Breton Prégent de Coétivy et leur fit à tous, quand ils se levèrent, une belle révérence.
Pierre prit sa main pour la mener vers le cercle de tonneaux. Ce fut Jean de Bueil qui l'accueillit après avoir recommandé à maître Agnelet de veiller au- dehors.
— Nous sommes heureux, Madame, de vous revoir, et plus heureux encore de vous féliciter. La présence de La Trémoille à Chinon est la preuve formelle de votre réussite. Nous vous sommes très reconnaissants...
— Ne me remerciez pas trop, seigneur de Bueil. J'ai travaillé pour vous, certes, et pour le bien du royaume, mais j'ai aussi travaillé pour moi, et pour que soit vengé mon époux bien-aimé. Aidez-moi dans cette vengeance, nous serons quittes.
Tout en parlant, elle retirait doucement sa main que Pierre avait gardée, s'avançait vers les trois autres hommes et ajoutait :
— Songez qu'il y va de l'honneur... et de la vie des Montsalvy, messires. Pour que vive le nom que je porte, il faut que meure La Trémoille.
— Il en sera fait selon votre désir, coupa rudement Coétivy. Mais comment diable avez-vous fait pour amener ici ce pourceau ? J'admets qu'il soit difficile de refuser quelque chose à une femme aussi belle que vous, mais, apparemment, vous possédez encore plus d'armes que nous ne le pensions.
Le ton employé par le gentilhomme breton était à peine flatteur et sous-entendait bien des choses. Catherine ne s'y trompa pas.
Sèchement, elle rétorqua :
Je crois, en effet, ne pas être complètement stupide, messire, mais ce ne sont pas les armes auxquelles vous faites allusion dont je me suis servie, simplement d'un souvenir... d'une chose que m'avait, jadis, racontée mon époux, Arnaud de Montsalvy.
Le nom du disparu fit son effet habituel. La personnalité d'Arnaud était trop puissante pour que son image ne s'évoquât pas aussitôt dans l'esprit de ces hommes qui avaient été ses camarades de combat, forçant la déférence envers celle qui le portait et qui venait de donner une si grande preuve de son courage. Coétivy rougit, honteux de ce qu'il avait pensé, et, sans détour, il admit :
— Pardonnez-moi. Vous ne méritez pas de telles allusions.
Elle lui sourit sans répondre. Puis, acceptant le tonneau qu'on lui avançait, elle fit, pour ces hommes attentifs, le récit de sa dernière conversation avec La Trémoille. Ils l'écoutèrent avec cette expression émerveillée d'enfants auxquels on raconte une belle histoire. Le mot trésor produisait son effet habituel. S'y ajoutaient les ombres chargées de mystères des chevaliers du Temple, leurs silhouettes fantastiques, inquiétantes, mais traînant après elles la couleur et les secrets magiques de l'Orient. Avec un peu d'amusement, Catherine voyait leurs yeux se
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