Catherine des grands chemins
fut Prégent de Coétivy qui les accueillit.
— Ah ! l'Hermite ! Rosnivinen ! Nous vous attendions. Je pense que vous nous apportez les ordres du Connétable ?
En effet, répondit Tristan. Voici messire Jean de Rosnivinen qui doit le représenter pour l'exécution. Car, bien entendu, il ne saurait être question qu'il vienne lui-même. Vous savez tous l'inimitié que lui voue le Roi. Il ne faut pas que notre sire croie à une vengeance, mais bien à une opération de salubrité publique.
Tout en parlant, il s'approchait de Catherine, et, respectueusement, s'inclinait devant elle.
— Monseigneur le Connétable m'a chargé, Madame, de baiser pour lui la belle main qui nous a ouvert Chinon. Il vous est profondément reconnaissant et espère que vous voudrez bien, dans l'avenir, le compter au nombre de vos plus dévoués serviteurs.
Ce petit discours fit un effet extraordinaire. Catherine sentit, aussitôt, l'atmosphère changer. Jusque-là, malgré leurs paroles courtoises, elle n'avait pas été à son aise au milieu de ces hommes.
Elle devinait confusément que la déférence qu'on lui témoignait s'adressait surtout au nom et au souvenir d'Arnaud, non à la femme qu'elle était. Son comportement devait leur sembler trop étrange, trop éloigné des habitudes. Sans doute pensaient-ils qu'elle aurait dû, selon la coutume, remettre le soin de sa vengeance à quelque champion et attendre le résultat, dans la prière et la méditation, au fond d'un couvent. Mais elle était décidée à jouer jusqu'au bout le rôle qu'elle s'était assigné. Qu'importait ce que pensaient les hommes !
Sans rien dire, Raoul de Gaucourt vint prendre sa main et la mena au centre des tonneaux, la fit asseoir et s'installa près d'elle.
— Prenez place, messeigneurs, et mettons-nous d'accord une bonne fois. Il en est temps. Agnelet, apportez-nous à boire et disparaissez.
L'aubergiste se hâta d'obéir, disposant gobelets et pichets sur une planche posée entre deux tonneaux avant de s'éclipser. Le silence avait régné dans la grotte durant tout le temps de ce travail. Quand il eut disparu seulement, Gaucourt fit du regard le tour de l'assemblée.
Vous savez déjà le principal. La Trémoille habite la tour du Coudray, gardé par quinze arbalétriers. C'est dire que, sans moi, vous ne pourriez même pas approcher. Sous ma juridiction immédiate, j'ai les trente hommes qui composent la garnison normale du château. Avec le Roi sont arrivés quelque trois cents hommes d'armes, tous aux ordres du Chambellan bien entendu, Français et Écossais. Première question, avez-vous des soldats ?
— J'ai cinquante hommes cantonnés dans la forêt, répondit Jean de Bueil.
— Ce sera suffisant, fit Gaucourt. Nous bénéficierons de la surprise, de l'importance du château qui oblige à disséminer les troupes sur tout le plateau entre le fort Saint-Georges et le Coudray et du fait que je serai à votre tête, moi le gouverneur. Mais, d'autre part, la poterne que je vous ouvrirai, demain à minuit, si nous sommes d'accord, et qui est la plus proche du donjon, se trouve entre la tour du Moulin et la tour polygonale où loge le plus solide soutien de La Trémoille, autrement dit le maréchal de Rais...
À l'évocation de Gilles, Catherine frissonna et devint pâle. Elle dut serrer les dents, mordre ses lèvres pour lutter contre la peur que ce simple nom faisait lever en elle. Toute à la joie d'approcher du but, elle avait oublié l'effrayant seigneur à la barbe bleue... Mais Jean de Bueil répondit :
— Je loge, moi aussi, à la tour polygonale, je ferai entrer les hommes dans le château, puis je regagnerai la tour avec Ambroise de Loré, par exemple. A nous deux, nous immobiliserons Gilles de Rais.
Il ne pourra pas sortir de ses appartements.
Ce fut dit si calmement que sa peur s'atténua. Gilles de Rais, pour ces chevaliers, n'avait rien d'effrayant.
Le gouverneur fit un signe d'approbation.
— Fort bien. Vous aurez donc à vous occuper de Rais. Moi-même et Olivier Frétard, mon lieutenant que voici, nous veillerons à neutraliser autant que possible les gardes en les écartant du Coudray.
Les cinquante hommes de Bueil, conduits par Brézé et Coétivy, avec Rosnivinen et l'Hermite, attaqueront le Grand Chambellan qui loge seul dans le donjon.
— Où loge le Roi ? demanda Catherine.
Dans le château du Milieu, le logis qui fait suite à la Grand Salle. La Reine lui demandera de passer la nuit auprès d'elle, chose qu'il
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