Catherine des grands chemins
avec moi. Au couvent, il y a dame Isabelle, il y a Gauthier, il y a Sara... Ils vous aiment, ils vous aideront quand ils vous verront dans cette grande détresse. Venez, dame Catherine.
L'air frais du soir fit du bien à la jeune femme et lui permit de se ressaisir un peu. Tout en marchant, soutenue par le bras de Saturnin, elle put obliger son cerveau à cesser sa ronde affolée, à se calmer. Ne lui fallait-il pas s'apaiser, raisonner aussi froidement que possible ?
Saturnin avait raison quand il disait que Sara et Gauthier l'aideraient...
Mais il était indispensable qu'elle contrôle ses nerfs, qu'elle essaie de ne plus penser qu'Arnaud s'était séparé d'elle à jamais, qu'il avait tranché le lien si ténu qui les reliait encore.
Elle redressa la tête, tâchant de faire bonne contenance en face de ceux qu'elle croisait dans la rue. Mais,
en arrivant au monastère, Catherine et Saturnin trouvèrent l'abbé en personne près de la loge du Frère portier.
— J'allais vous faire chercher, dame Catherine, dit- il. Votre mère a eu un malaise et a perdu connaissance.
— Elle était si bien, tout à l'heure !
— Je sais. Nous parlions tranquillement, mais, tout à coup, elle s'est affaissée sur ses oreillers, le souffle court... Sara est auprès d'elle et notre Frère apothicaire.
Force était à Catherine de faire taire ses propres douleurs pour courir au chevet de la vieille femme. Courageusement, elle enferma la lettre fatale dans son aumônière, se rendit chez Isabelle. La malade était toujours inerte. Sara, penchée sur elle, essayait de la ranimer en lui faisant respirer le contenu d'un flacon tandis que le Frère apothicaire lui frictionnait les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie.
Catherine se pencha.
— Est-elle très mal ?
— Elle revient, chuchota Sara, les sourcils froncés. Mais j'ai bien cru que c'était fini.
— De toute façon, fit le moine, elle ne durera plus longtemps. Elle se soutient à peine.
En effet, Isabelle, peu à peu, reprenait connaissance. Avec un soupir de soulagement, Sara se redressa, sourit à Catherine, mais son sourire s'effaça aussitôt apparu.
— Mais... tu es plus pâle qu'elle. Que t'est-il arrivé ?
— Je sais où est Arnaud, répondit Catherine d'une voix blanche.
Tu avais raison, Sara, quand tu disais que si j'écoutais Pierre de Brézé je le regretterais toute ma vie. Le regret n'a pas mis longtemps à venir.
— Mais, parle, enfin !
— Non. Tout à l'heure. Saturnin doit attendre dans la grande salle.
Demande-lui de rester. Va aussi chercher Gauthier et envoie prier le Révérend Père Abbé de se joindre à nous. J'ai à dire des choses graves.
Une heure plus tard, l'espèce de conseil qu'avait souhaité Catherine se réunissait, non pas dans la salle commune de l'hôtellerie, mais dans la salle capitulaire de l'abbaye où l'abbé l'avait fait prier de se rendre avec ses compagnons. Guidés par le Frère Eusèbe, Catherine, Gauthier, Saturnin et Sara traversèrent l'église silencieuse à cette heure nocturne où une lampe à huile brûlait faiblement devant une statue de Notre-Dame à laquelle la collégiale était dédiée. Puis ils pénétrèrent dans la grande salle. Elle était éclairée par quatre torches fixées aux deux piliers isolés qui supportaient la voûte. L'abbé, mince fantôme dans sa longue robe noire, s'y trouvait seul, auprès du trône abbatial qu'il n'occupait pas. Il marchait lentement de long en large, ses mains cachées sous les amples manches, le front penché sous sa couronne rase de cheveux clairs. La lumière des torches donnait à son jeune visage ascétique les tons du vieil ivoire. C'était à la fois un homme d'action, car il menait son monastère d'une main ferme, et un homme de prières. Son amour de Dieu était immense, sa vie sans faiblesse et si sa jeunesse l'obligeait à conserver une attitude austère, voire sévère, pour asseoir son autorité, il cachait sous son abord presque glacial une immense pitié des hommes et un cœur ardent.
En voyant entrer ceux qu'il attendait, il s'arrêta, posa un pied sur la marche qui surélevait le trône et désigna, du geste, un tabouret à Catherine.
— Asseyez-vous, ma fille. Me voici prêt à vous entendre et à vous aider de mes conseils comme vous l'avez demandé.
— Soyez-en remercié, mon père, car je suis en grande détresse. Un événement imprévu a bouleversé ma vie. Aussi j'ai voulu vous demander votre secours. Ceux-ci sont mes
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