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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l'air de deux yeux jaunes ouverts dans l'ombre. Frère Étienne secoua la torche qu'il avait reprise à un Écossais et dont le vent arrachait des étincelles.
    — Rentrons, maintenant, dit-il.
    — Je voudrais partir tout de suite, implora Catherine. Cet endroit me fait horreur.
    Je m'en doute, mais il nous faut tout de même attendre le jour. Nous devons passer la rivière à gué. Elle est grosse et dangereuse. Tenter de trouver le passage dans l'obscurité serait courir à une mort certaine...
    et je ne suis pas sûr que les gens d'ici viendraient nous tirer de l'eau.
    — Alors, attendons le jour dans la salle d'auberge, ne nous séparons pas. Je ne pourrais pas retourner dans cette horrible chambre.

    L'auberge du Noir-Sarrasin, à Aubusson, avait connu des jours meilleurs, au temps où la région était riche et prospère, au temps des grandes foires, au temps, enfin, où la famine et l'Anglais n'écrasaient pas le pays. À cette époque bénie, les voyageurs s'y pressaient, se rendant à Limoges, où l'art merveilleux des émailleurs attirait de grandes foules de marchands. D'autres venaient acheter sur place la laine des moutons du haut plateau. Les feux ronflaient alors tout le jour et les tournebroches ne s'arrêtaient pratiquement jamais de tourner. Les rires et les cris des buveurs se mêlaient au claquement joyeux des socques de bois des jolies servantes s'activant de l'aube à la nuit close.
    Mais, lorsque Catherine, Sara et Frère Étienne y arrivèrent, au soir d'une exténuante journée passée tout entière dans les étendues désertiques et sauvages du plateau de Millevaches, le seul bruit qui se faisait entendre, c'était le grincement de l'enseigne, jadis peinte de couleurs hardies et maintenant rouillée, qui se balançait à sa potence.
    Les guetteurs venaient de corner la fermeture des portes et la petite cité semblait resserrer frileusement ses ruelles étroites et noires dans la gorge qui lui donnait asile comme un avare enferme son trésor. Là-haut, sur son rocher, le vieux château vicomtal tassait ses courtines croulantes et ressemblait à quelque gros chat mélancolique, roulé en boule et prêt à s'endormir. Peu de monde dans les rues. Les gens qui passaient hâtaient le pas, jetant aux trois voyageurs un regard alarmé qui devenait indifférent en constatant qu'il s'agissait seulement de deux femmes et d'un moine.
    Pourtant, le pas des chevaux attira sur le seuil du Noir-Sarrasin un homme en tablier blanc dont le ventre replet contrastait tristement avec le teint jaune et les jambes grêles. Il avait les joues flasques des gens qui ont maigri trop vite et le soupir qu'il poussa en voyant des voyageurs en disait long sur l'état de son garde- manger. Il tira pourtant son bonnet et s'avança vers les arrivants qui, déjà, mettaient pied à terre.

    — Nobles dames, dit-il poliment, et vous, Très Révérend Père, en quoi le Noir-Sarrasin peut-il vous obliger ?
    — En nous donnant le gîte et le couvert, mon fils, répondit Frère Etienne avec bonne humeur. Nous avons fourni une longue étape. Nos chevaux sont las... et nous aussi. Pouvez-vous nous loger et nous nourrir ? Nous avons de quoi payer...
    — Hélas, mon Révérend, vous pourriez déverser devant moi tout l'or du monde que vous n'obtiendriez tout de même pas autre chose qu'une soupe aux herbes et un peu de pain noir. Le Noir-Sarrasin n'est plus que l'ombre de ce qu'il était jadis, hélas, et votre séjour ne vous en donnera pas une très grande idée.
    Un énorme soupir vint ponctuer le désenchantement de cette déclaration, mais le claquement des sabots d'un cheval dans la ruelle en fit naître aussitôt un second.
    — Seigneur ! fit l'aubergiste, pourvu que ce ne soit pas encore un client !
    Malheureusement pour maître Amable, c'était bien un voyageur, comme l'attestaient le grand manteau couvert de poussière qui l'enveloppait et les jambes crottées de son cheval. Catherine, se désintéressant des problèmes de l'aubergiste et avide, avant tout, de se réchauffer, pénétrait déjà dans l'hôtellerie quand le son de la voix de l'arrivant, demandant s'il était possible de loger lui et son cheval, la fit retourner. Elle cherchait à distinguer le visage du voyageur sous l'ombre du grand chaperon gris qui le coiffait, mais l'aubergiste la tira vivement de ses incertitudes.
    — Las ! Maître Cœur, vous savez bien que, pleine ou vide, riche ou pauvre, ma maison vous est toujours grande ouverte. Fasse le

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