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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le plus nous être utile, gracieuse Dame.
    Ne vous inquiétez pas.
    — Moi, je ne m'inquiète pas, je gèle ! bougonna Sara. J'ai les pieds trempés !
    — Il fallait mettre des bottines plus solides. Mais on vient.
    En effet, derrière la porte, un trottinement de souris se faisait entendre. La porte s'ouvrit, tournant sans bruit sur ses gonds bien huilés, et une petite vieille en robe grise, tablier et cornette de toile blanche, apparut, saluant autant que le permettait son échine raidie par les rhumatismes.
    — Maître Guillaume vous attend, Messire, et vous aussi, nobles dames !
    — C'est bien, nous montons.
    Un escalier, raide et mal éclairé par un lumignon, s'élevait au fond de l'étroit couloir sur lequel donnait uniquement une porte entrouverte menant sans doute à une cuisine. Des hauteurs de l'escalier, une grosse voix tonna :
    — Montez, Messire. Tout est prêt.
    L'ampleur de cette voix fit sursauter Catherine. Elle lui rappelait celle de Gauthier, mais l'homme qui la possédait était l'antithèse même du Normand. Petit, contrefait, bossu, son visage abondamment ridé était agité de tics incessants. Il semblait n'avoir ni cheveux, ni barbe, ni sourcils et de bizarres plaques rose vif marquaient ses joues, son menton et son front. Un bonnet noir, enfoncé jusqu'aux orbites, cachait son crâne, soulignant les yeux, rouges et fatigués. Catherine retint un mouvement de répulsion devant cet être hybride et répugnant. Il la regardait avec insistance en se frottant les mains machinalement et en passant continuellement sa langue sur ses lèvres.
    La voix terrifiante reprit :
    — Voilà donc la dame qu'il faut faire brunir. Nous allons d'abord lui donner un bain, puis nous nous occuperons des cheveux.
    Catherine eut un mouvement de recul et Sara fronça les sourcils.
    — Un bain ? fit la jeune femme d'une voix faible. Mais je...
    — C'est indispensable, fit avec onction maître Guillaume. Votre peau doit être teinte complètement.
    Tristan, qui jusqu'à présent n'avait rien dit, comprit la répugnance de Catherine et prit conscience de l'air rogue de Sara. Il s'interposa.
    — C'est un bain de plantes, dame Catherine, qui ne pourra vous faire aucun mal. Sara vous aidera. Mais je crois qu'auparavant il faut que je vous présente maître Guillaume. De son état, il est enlumineur et l'un des meilleurs de France. Mais il a été longtemps l'un des membres les plus brillants de la Confrérie de la Passion qui, à Paris, jouait de si beaux Mystères. L'art du grimage et des changements d'aspect n'a pas de secrets pour lui. Et plus d'une dame noble d'Angers, en voyant blanchir ses cheveux, fait appel discrètement à ses bons offices.
    Le bonhomme continuait à se frotter les mains, paupières mi-closes, et ronronnait comme un chat à l'audition du petit discours louangeur du Flamand. Un peu rassurée, car elle avait craint un instant d'être dans l'antre d'un sorcier, Catherine respira et voulut se montrer aimable.
    — Vous ne jouez plus de Mystères ? dit-elle.
    La guerre, noble dame, et la grande misère qui règne à Paris ont dispersé notre compagnie. De plus, dans mon état, je ne peux plus guère me montrer sur des tréteaux.
    — Vous avez eu un accident ?
    Guillaume eut un petit rire chevrotant qui contrasta bizarrement avec sa voix normale :
    — Hélas ! Un jour où j'avais l'honneur de jouer Messire Satan et où j'évoluais parmi les torches de résine qui figuraient l'Enfer, mon costume a pris feu. J'ai cru périr, mais j'ai survécu... dans l'état où vous me voyez ! Il me reste mon art d'enlumineur et les conseils que je puis donner quand, bien rarement de nos jours, on monte un spectacle. Mais si vous voulez me suivre, le bain attend et il ne faut pas le laisser refroidir.
    Sara emboîta le pas à Catherine tandis qu'elle se dirigeait, conduite par Guillaume, vers le fond de la grande pièce où travaillait d'ordinaire l'enlumineur. Pièce assez agréable d'ailleurs, pleine de parchemins roulés, de petits pots de couleurs différentes, de pinceaux fins comme des cheveux, faits de martre ou de soie de porc. Sur un lutrin reposait une grande page d'évangéliaire où Guillaume, avec un art consommé, peignait, sur fond d'or, une admirable miniature représentant la Crucifixion. Au passage, le regard de Catherine accrocha l'œuvre commencée.
    — Vous êtes un grand artiste, dit-elle avec un respect instinctif.
    Un éclair d'orgueil brilla dans les yeux fatigués de Guillaume et il

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