Catherine des grands chemins
esquissa une grimace qui pouvait passer pour un sourire.
— Une louange sincère fait toujours plaisir, noble dame. Par ici, je vous prie.
Le petit cabinet où il introduisit Catherine après avoir soulevé un rideau à ramages ressemblait nettement, cette fois, à l'antre d'un sorcier. Une infinité de bocaux, de cornues, de fourneaux et d'animaux empaillés l'emplissait, gravitant autour d'un fourneau de briques et d'un grand baquet à lessive posé à terre et plein d'une eau sombre qui fumait.
Catherine regarda avec méfiance le liquide brun foncé où l'on prétendait la plonger. Quant à Sara, elle s'était tue trop longtemps à son gré.
— Qu'y a-t-il là-dedans ? demanda-t-elle d'un ton soupçonneux.
— Des plantes, uniquement, répondit placidement l'enlumineur.
Vous me permettez de garder pour moi le secret de la composition. Je consens seulement à vous dire qu'il y a, parmi elles, de l'écorce de noix. Il faut que cette belle dame se plonge entièrement dans le baquet, le visage et le cou y compris. Un quart d'heure, avec autant d'immersions que vous pourrez pour le visage, doit suffire.
— Et ensuite, je serai comment ? dit Catherine.
— Vous aurez le teint aussi brun que cette majestueuse personne qui vous accompagne.
— Et... je resterai comme cela ? reprit la jeune femme inquiète en imaginant ce que penseraient son petit Michel et sa grand-mère en la retrouvant transformée en bohémienne.
— Non. Cela s'effacera progressivement. Deux mois sont, je pense, tout ce que vous pourrez tenir. Ensuite, il vous faudrait un autre bain, à moins que vous ne vous exposiez longuement au soleil.
Hâtez-vous, le bain refroidit.
Il sortit, comme à regret, suivi par Sara qui alla soigneusement refermer le rideau derrière lui et obstrua de son large dos une fente toujours possible. Pendant ce temps, Catherine se déshabillait vivement et, sans respirer, se plongeait dans l'eau. Une odeur douceâtre et, légèrement poivrée, tout à la fois, emplit ses narines.
L'eau était chaude sans excès et, une fois dedans, la répugnance de Catherine s'envola. Retenant sa respiration et fermant les yeux, elle enfonça sa tête, une fois, deux fois, dix fois.
Quand le sablier posé auprès de la cuve eut coulé le quart d'une heure, Catherine se dressa dans la cuve, laissant les gouttes sombres couler sur sa peau devenue d'un brun chaud et doré.
Comment suis-je ? demanda-t-elle anxieusement à Sara qui tendait un drap, disposé sur un escabeau, pour la sécher.
— Pour la couleur, tu pourrais être ma fille et cela produit un étrange effet avec tes cheveux blonds, bien qu'ils aient légèrement bruni eux aussi.
La voix de Guillaume leur parvint.
— Avez-vous fini ? Ne vous rhabillez pas surtout. Nous risquerions de tacher vos vêtements.
Drapée dans son drap, Catherine alla rejoindre les deux hommes dans la grande pièce. Guillaume avait disposé un tabouret garni d'un coussin rouge auprès d'un trépied supportant une jatte pleine d'une pâte épaisse et noire. Docilement, Catherine s'assit et laissa l'enlumineur enduire sa chevelure de la pâte qui avait une odeur forte et désagréable. Tristan fit la grimace et pinça les narines.
— Quelle horreur ! Une femme peut-elle être séduisante en dégageant pareil fumet ?
— Nous laverons les cheveux quand la pâte aura fait effet, dans une heure.
— Et qu'y a-t-il là-dedans ?
— De la noix de galle, de la rouille de fer, du vitriol romain et de la chair de mouton écrasés, distillés à l'alambic et mêlés à de la graisse de porc.
— Du vitriol romain ? s'insurgea Sara. Malheureux, vous allez la tuer !
— Du calme, femme ! En tout, il faut garder la mesure. Tel poison est mortel en certaines quantités, qui guérit pris en parcelles infimes.
Les mains longues et souples de l'enlumineur étaient curieusement douces, légères et caressantes. Tout en massant les cheveux de Catherine il parlait, comme pour lui seul :
— C'est un crime de noircir si brillante et claire chevelure, mais la beauté de cette belle dame n'en sera pas amoindrie. Elle n'en sera que plus dangereuse encore, je crois.
— Et cela s'atténuera aussi avec le temps ? demanda Catherine.
— Hélas non. Il faudra que vos cheveux poussent et que l'on coupe les mèches restées noires.
— Je m'en chargerai, dit Sara.
Catherine réprima un soupir. Non qu'elle regrettât le nouveau
"sacrifice qu'il lui fallait consentir, mais l'idée de couper encore ses
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