Catherine des grands chemins
de trembler et luttait contre la terreur qui l'avait saisie.
— Répondez-moi franchement, reprit-elle d'une voix qui demeura calme à force de volonté. Est-ce à cause du travail que nous lui avons demandé ?
Tristan l'Hermite écarta les bras dans un geste d'ignorance.
— Qui peut savoir ? Guillaume avait sûrement des ennemis car ses activités n'étaient pas toujours avouables. Plus d'une fille en mal d'enfant a été discrètement délivrée par ces mains habiles que vous admiriez hier. Il se peut que ce ne soit qu'une coïncidence.
— Mais vous n'y croyez pas ?
— Honnêtement, je ne sais pas ce que je crois. J'ai seulement voulu vous avertir pour savoir ce que vous décidiez. Vous pouvez changer d'avis et, dans ce cas, je vais convoquer de nouveau le conseil.
Il se levait déjà, mais Catherine l'arrêta d'un geste preste.
— Non ! Demeurez ! J'ai eu peur un instant tout à l'heure, je l'avoue. Vous étiez si pâle. Mais maintenant cela va mieux. Je n'ai pas envie de reculer. Il est trop tard. Le plan est bon, je le suivrai jusqu'au bout. Libre à vous d'abandonner.
Le lourd visage du Flamand se plissa en une affreuse grimace.
— Vous me prenez pour un lâche, dame Catherine ? Quand j'entreprends quelque chose, je vais jusqu'au bout, quelles qu'en puissent être les conséquences. Et je ne tiens nullement à être jeté dans un cul-de-basse- fosse par les ordres de Monseigneur le Connétable. Si vous êtes d'accord, nous partirons cette nuit. Un sauf-conduit que j'ai déjà nous ouvrira les portes de la ville. Il vaut mieux qu'on ne vous voie pas partir. De même qu'il est préférable que vous ne quittiez pas votre chambre aujourd'hui. Reposez-vous, vous en aurez besoin. La reine viendra ce soir, après vêpres, vous voir ici même.
—
C'est entendu ainsi. Je n'avais pas non plus l'intention d'agir autrement.
—
Dans ce cas... je peux dire à messire de Brézé que vous êtes souffrante et ne voulez voir personne ? - Le pouce de'Tristan, retourné, désignait la porte. Il ajouta : Il est là dans le couloir, à faire les cent pas.
—
Dites ce que vous voudrez... par exemple, que je le recevrai demain.
Le mince sourire du Flamand répondit à celui qu'elle lui adressait et, comme par miracle, l'atmosphère s'en trouva détendue. Seule, Sara conserva une mine sombre.
—
Nous allons nous jeter dans un affreux guêpier, Catherine, fit-elle. Je pense que tu t'en doutes ?
Mais la jeune femme haussa les épaules avec impatience et reprit le miroir qu'elle avait posé.
— Et après ? fit-elle durement.
— Voilà la tanière d'où il faut débusquer la bête fauve, dit Tristan l'Hermite en désignant de son fouet le château de l'autre côté du fleuve. Vous voyez qu'il se garde bien.
Arrêtés sur la rive droite de la Loire, près de l'antique pont romain, les trois cavaliers examinaient le lieu de leurs futures activités.
Sanglée dans un costume de garçon en drap brun dont le camail ne laissait passer que son visage bruni, Catherine supputait du regard l'éperon rocheux, couché le long du fleuve comme un lion sommeillant et la forteresse qui le couronnait : des courtines sévères et noires, une dizaine de tours massives enfermant un donjon sans légèreté, des hourds et des mâchicoulis qui avaient l'habitude de servir, tout cela contrastait avec la grâce de ce paysage fluvial, tendrement reverdi par le printemps. Seule, une forêt de bannières flottant sur les murs et dominées par l'emblème royal mettait quelque gaieté dans le rude édifice.
Sara rejeta en arrière le capuchon monastique qui la coiffait et regarda le château avec méfiance.
— Si jamais nous entrons là-dedans, nous n'en sortirons pas vivantes.
— Nous sommes sorties de châteaux plus dangereux. Rappelle-toi Champtocé et Gilles de Rais.
— Merci, je n'ai pas oublié que le seigneur à la barbe bleue voulait me faire griller toute vive, répondit la bohémienne en frissonnant.
Durant tout le temps que nous sommes restées à Angers j'ai pensé que nous en étions bien proches. Mais puisque nous voici à destination, que faisons-nous ?
Tristan se détourna sur sa selle et son fouet désigna une petite auberge qui se dressait de l'autre côté du chemin, face au pont et dont l'enseigne verte, jaune et rouge proclamait qu'au « Pressoir Royal » on buvait le meilleur vin de Vouvray.
— Vous allez entrer ici et m'attendre. Je dois voir le chef de la tribu. Installez-vous, reposez-vous,
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