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Catherine des grands chemins

Catherine des grands chemins

Titel: Catherine des grands chemins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de l'ermite. L'île traversée, un nouveau pont menait au pied même du château et, cette fois, Catherine put voir, sur le rocher, les reflets de feux allumés dans les fossés ; le camp des Tziganes était encore en pleine activité.
    Sur les tours et les chemins de ronde, parfois, une torche passait comme une étoile filante, portée par un sergent faisant sa tournée d'inspection et, à mesure que l'on approchait, on pouvait entendre le cri des guetteurs, se répondant d'une tour à l'autre. De la petite ville d'Amboise, enfermée dans ses remparts à l'ombre de l'éperon rocheux, Catherine devinait seulement la silhouette qui devait s'étirer vers le sud, le long de l'Amasse. Par-dessus le tout, le ciel taché de nuages avait des pâleurs qui annonçaient la lune.
    Au bord du fossé, les trois cavaliers s'arrêtèrent et Catherine, les yeux agrandis, se crut un instant au bord de l'enfer. Un feu flambait au milieu du campement et, autour de ce feu, toute la tribu était assise à même le sol, dans une bizarre immobilité, mais, de toutes les bouches fermées, s'échappait une sorte de plainte mélodique, monotone et sourde à laquelle répondait, par instants, le ronflement des peaux d'âne sous les doigts secs des hommes.
    Les flammes rouges dansaient sur les peaux cuivrées dont certaines portaient des tatouages. Les femmes, vêtues de haillons, avaient d'épais cheveux noirs, gras et luisants, des lèvres pour la plupart charnues, de minces nez aquilins, des yeux de braise, même les vieilles dont la peau montrait plus de plis qu'un vieux parchemin.
    Certaines étaient belles ainsi que le montraient largement les grossières chemises, mal attachées, qu'elles portaient. Les hommes étaient effrayants. Déguenillés, crasseux, ils avaient des cheveux crépus, laineux, de longues moustaches sous lesquelles brillaient des dents très blanches. Ils se coiffaient de chapeaux en loques ou de casques bosselés, ramassés au hasard des chemins ou des cadavres.
    Tous portaient aux oreilles de lourds anneaux d'argent. Ces faces immobiles, ces yeux à l'éclat dangereux fixés au cœur ardent du feu, cette plainte qui ne cessait pas, tout cela fît courir un frisson sous la peau de Catherine. Elle chercha le regard de Sara et, comme elle allait parler, la bohémienne posa vivement son doigt sur ses lèvres
    — Il ne faut rien dire, chuchota-t-elle, si bas que la jeune femme l'entendit à peine. Pas maintenant. Ni bouger.
    — Pourquoi ? demanda Tristan.
    — Ceci est un rite funèbre. Ils attendent sans doute le corps de l'homme qui a été pendu ce matin.

    En effet, venant du château, une petite procession descendait vers le camp. Un homme grand et maigre ouvrait la marche, portant une torche pour éclairer ses quatre compagnons sur les épaules desquels reposait un corps inerte. L'homme, sur qui tombait d'aplomb la lumière, était vêtu de chausses collantes, écarlates, et d'un pourpoint de même nuance, abondamment taché et déchiré, mais qui montrait encore des traces de broderie d'or. Les lacets rompus du pourpoint l'ouvraient largement, découvrant jusqu'à la taille une poitrine brune dont les muscles luisants dénonçaient la force. L'homme était jeune et de mine arrogante. Quant à la longue et mince moustache noire qui encadrait ses fortes lèvres rouges, elle accentuait encore leur pli cruel tandis que les yeux sombres s'étiraient vers les tempes, dénonçant le sang asiatique. Les cheveux épais, à travers lesquels on voyait briller les anneaux, d'argent des oreilles, tombaient jusque sur les épaules.
    — C'est Fero, le chef, souffla Tristan l'Hermite.
    La mélopée funèbre s'arrêta quand les porteurs déposèrent le cadavre devant le feu. Les bohémiens s'étaient levés et, seules, quelques femmes vinrent se placer, à genoux, autour de l'homme mort. L'une d'elles, si vieille et si ridée que sa peau paraissait coller à son squelette, se mit à chanter, d'une voix abominablement cassée ; une sorte de chant plaintif où le fil mélodique se brisait continuellement. Une autre, jeune et vigoureuse celle-là, le reprit quand la vieille s'arrêta.
    — La mère et la femme du mort, chuchota Sara. Elles chantent ses vertus.
    Le reste de la cérémonie fut bref. Le chef se courba, glissa une pièce de monnaie entre les dents du mort, puis les quatre hommes reprirent leur fardeau et descendirent avec lui jusqu'au bord du fleuve.
    L'instant suivant, le cadavre s'en allait au fil de l'eau

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