Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
suffisait, pour s'en convaincre, de voir la dizaine d'eunuques noirs qui, sous la colonnade, montaient une garde nonchalante mais attentive. Ceux-là ne portaient point à leur ceinture le fouet de cuir tressé, mais bien de larges et brillants cimeterres qui ne promettaient rien de bon à qui oserait s'approcher.
    Pourtant, Catherine brûlait de voir ce qui se passait clans ces pièces dont les lumières douces franchissaient le feuillage étoilé des jasmins grimpants pour venir caresser le sable rouge du jardin. Un instinct, presque animal, lui disait qu'Arnaud était là, derrière ce rempart de marbre et de fleurs, si proche que, s'il avait parlé, elle eût sans doute entendu sa voix. Elle le sentait peut-être au serrement brutal de son cœur, à la vague d'amère jalousie qui lui empoisonna la gorge. Les caresses du sultan étaient déjà bien éloignées de sa mémoire, réduites au rang vulgaire de simples formalités par une rage soudaine, brutale et dévastatrice. Ce n'était après tout qu'une piètre vengeance, un calcul sordide qui s'était allié à la trahison de ses sens insatisfaits ! Et Catherine, épouvantée, retrouvait, intacte et torturante, la morsure sauvage d'une jalousie aussi antique, aussi primitive que l'amour lui-même.
    Dominant le murmure doux des instruments, une voix de femme s'éleva dans la nuit, chaude, grave, poignante de passion, tellement enfiévrée que Catherine, saisie, ne bougea plus, écoutant intensément.
    Elle ne comprenait pas les paroles soupirées par ce magnifique organe de velours sombre, mais son instinct, sa féminité lui disaient que c'était là le plus ardent des appels à l'amour...
    Elle écouta un instant, tellement ensorcelée par la voix mystérieuse qu'elle ne se rendit pas compte que les lumières s'éteignaient presque toutes dans le pavillon de Zobeïda. Le jardin se fit plus noir, et plus rose, plus tendre la clarté des quelques fenêtres demeurées éclairées.
    La chanteuse avait baissé le ton, fredonnant presque... Alors, incapable de résister à la curiosité qui la dévorait, Catherine, insensiblement, se rapprocha du pavillon de la princesse.
    Elle ne raisonnait même plus. La notion du danger mortel qu'elle courait s'était totalement abolie. Seul son instinct de conservation lui inspira d'ôter ses babouches, de glisser pieds nus sur le sable doux, de se courber sous les arbustes pour n'être pas aperçue des gardes. Peu à peu elle gagna les abords d'une fenêtre qu'une plante exotique enveloppait, se glissa au cœur de l'arbuste. Des épines la meurtrirent cruellement sans qu'elle laissât échapper une seule plainte, sans qu'elle essayât de se dérober à leur blessure. Enfin, elle avait atteint la fenêtre...
    Doucement, tout doucement, elle se redressa. Ses yeux affleurèrent le rebord d'azulejos vert jade et il lui fallut mordre sa main pour ne pas crier. Juste en face d'elle, Catherine venait d'apercevoir Arnaud.
    Il était assis, jambes croisées, parmi les coussins d'un énorme divan de brocart rose qui tenait au moins la moitié d'une petite pièce, intime et ravissante, dont les murs revêtus de cristal vert faisaient songer à l'intérieur d'une énorme pierre précieuse. Sa peau bronzée, ses cheveux noirs et les amples pantalons noirs brodés d'or qu'il portait pour tout vêtement ressortaient étrangement sur ce fond d'une féminine tendresse. Avec ses larges épaules et ses muscles puissants, il y était insolite comme une hache d'armes au milieu de dentelles.
    Debout auprès de lui, une esclave étroitement voilée remplissait, dès qu'il la reposait, la large coupe d'or qu'il vidait sans cesse. Il était plus beau que jamais ; cependant, Catherine constata avec stupeur que son regard vacillait légèrement et comprit qu'il était plus qu'à moitié ivre !
    Cela lui causa un choc. Jamais encore, elle n'avait vu son époux sous l'empire du vin. Ainsi, avec ses pommettes empourprées et ses yeux trop brillants, il évoquait l'aspect barbare d'un Gilles de Rais. C'était un inconnu que Catherine avait sous les yeux.
    Mais elle reconnut aussitôt la femme qui se tenait non loin de lui, à demi étendue parmi des coussins argentés. C'était elle qui chantait, caressant nonchalamment de ses longs doigts souples les cordes d'une petite guitare ronde. C'était Zobeïda en personne... Et elle était belle à couper le souffle.
    Une profusion de grosses perles laiteuses couvrait son cou, ses épaules, s'enroulait autour de ses

Weitere Kostenlose Bücher