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Catherine et le temps d'aimer

Catherine et le temps d'aimer

Titel: Catherine et le temps d'aimer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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froid sourire.
    — Des amis ? Je vous conseillerais plutôt, ma chère amie, de fuir et d'éviter le seigneur qui possède de telles armoiries. Oubliez-vous que vous êtes proscrite, en fort mauvais termes avec le duc Philippe ?
    — Bah ! fit Ermengarde avec une belle insouciance. Nous voilà bien loin de Bruges et de Dijon. De plus, j'ai gardé quelques amis fidèles auprès de Monseigneur Philippe ! Enfin, vous le savez, je n'ai jamais été peureuse. J'aime affronter les choses en face !

    Et, relevant le bas de sa robe de velours pourpre, montrant de longs pieds étroits chaussés de bottes solides, la dame de Châteauvillain se dirigea vers la porte sur laquelle l'officier se tenait toujours, regardant venir à lui cette imposante personne qui, de toute évidence, ne lui imposait guère. Elle l'interpella :
    — Dis-moi, l'ami, qui est ton maître ?
    — Ambassadeur de Monseigneur le duc Philippe de Bourgogne, comte de Flandre, de...
    — Fais-nous grâce des titres du duc, je les connais mieux que toi et nous serons encore là au lever du soleil ! Dis-moi plutôt qui est cet ambassadeur ?
    — Qui êtes-vous vous-même pour interroger de la sorte, dame ?
    La colère n'eut pas le temps d'empourprer les joues, déjà d'un beau rouge sombre, de la comtesse. Une main étroite mais ferme venait d'écarter l'officier tandis qu'un homme jeune encore, vêtu avec une simplicité qui n'excluait pas une certaine élégance, de daim feuille-morte, apparaissait sur le seuil. Sa tête nue montrait de courts cheveux blonds fortement mélangés de gris. Le reflet du feu éclaira un visage étroit aux lèvres si minces qu'elles semblaient scellées. Un long nez droit les surmontait. Le regard glacial de deux yeux bleus, légèrement globuleux, enveloppa la douairière furieuse, mais, brusquement, leur expression changea : un sourire détendit l'ennui des traits réguliers tandis que les yeux ternes se mettaient à briller.
    — Ma chère comtesse ! J'avais craint de vous manquer et, déjà...
    Un geste discret et autoritaire de la vieille dame lui coupa la parole, mais il était trop tard : non seulement Catherine avait entendu la phrase maladroite, mais elle avait vu le geste. Elle sortit de l'ombre, s'avança auprès de son amie.
    — Et moi, Jean, dit-elle froidement, craigniez-vous aussi de me manquer ?
    Le peintre Jean Van Eyck, valet de chambre du duc Philippe de Bourgogne et son ambassadeur secret dans bien des circonstances, ne se donna pas la peine de feindre. La joie qui éclata sur son visage était bien réelle et bien sincère. Un élan le jeta en avant, les mains tendues vers la mince silhouette.
    — Catherine !... C'est vous ! C'est bien vous ? Je ne rêve pas ?...
    Il était si évidemment heureux que la jeune femme sentit fondre un peu sa méfiance. Ils avaient été de bons amis, au temps où elle régnait à la fois sur la cour de Bourgogne et sur le cœur de son duc. Plus d'une fois elle avait servi de modèle à ce grand artiste dont elle admirait passionnément le génie tout en appréciant la fidélité de son amitié. Jean avait même été quelque peu amoureux d'elle et ne s'en était jamais caché. Malgré tout, Catherine ne pouvait se défendre d'un sentiment de joie. Celui que l'on éprouve en retrouvant un ancien ami depuis longtemps perdu de vue. Elle n'avait de lui que de bons souvenirs et les longues heures de pose passées en face de son chevalet avaient été des heures de paix et de douceur, hormis peut-être la dernière ; ce jour-là, elle avait appris la maladie de l'enfant qu'elle avait eu du duc Philippe et que soignait Ermengarde de Châteauvillain. Elle avait décidé de quitter Bruges pour n'y plus revenir car Jean Van Eyck partait lui aussi, mais pour le Portugal où il allait demander pour le duc la main de la princesse Isabelle. Et la vie avait entraîné Catherine dans son torrent sans retour. Il y avait six ans qu'elle n'avait revu Van Eyck... Spontanément, elle plaça ses mains dans celles qui se tendaient.
    — C'est bien moi, mon ami... et j'ai grande joie de vous revoir !
    Que faites-vous si loin de Bourgogne ? J'ai cru comprendre que vous aviez rendez-vous avec dame Ermengarde ?
    Tout en parlant, elle jetait un coup d'œil du côté de son amie et la vit rougir légèrement. Mais Van Eyck ne parut pas autrement ému par ses questions.
    — Rendez-vous est beaucoup dire ! Je savais que dame Ermengarde se rendait à Compostelle-de-Galice et, comme ma mission m'envoyait sur

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