Ce jour-là
et un commandement éclaté entravaient la mission.
La lecture du livre de Mark Owen constitue pour moi la preuve incontestable que mes interrogations d’il y a plus de vingt-cinq ans ont trouvé une traduction très concrète dans ce que ce « frère d’armes » a vécu au cours de la dernière décennie. Eagle Claw et Munich ont servi à élaborer le JSOC et la fameuse SEAL Team Six dans les années quatre-vingt. Et le livre de Mark démontre aujourd’hui leur extraordinaire efficacité.
En France, nous ne savions pas toujours tirer parti collectivement des échecs, totaux ou partiels, de certaines missions. Les débriefings avaient lieu dans les unités, rarement dans les états-majors. Et la plupart de mes supérieurs hiérarchiques ne savaient pas communiquer, car ils étaient souvent conditionnés par le « politiquement correct » attendu de leurs donneurs d’ordres politiques. À Fort Bragg, j’avais été frappé par la transparence et l’analyse sans concession des causes qui avaient entraîné l’échec d ’Eagle Claw .
J’étais encore plus étonné qu’un général trois étoiles, commandant le JSOC, sollicite l’avis du jeune officier de trente-cinq ans que j’étais sur les conditions d’engagement des forces spéciales lors d’interventions très complexes. L’accès à des informations protégées sur le déroulement de l’opération en Iran laissait en effet apparaître de graves dysfonctionnements, à la fois dans la conception de la mission, mais également dans la préparation des unités appelées à opérer. Tout cela combiné à une météorologie défavorable – et non détectée en amont – ne pouvait conduire au succès.
Me revenaient alors les enseignements très épurés reçus au cours de ma formation au GIGN : simplifier les objectifs de la mission et les rendre compréhensibles à tous, la faire exécuter par des unités homogènes, sous un commandement unique, limiter au minimum l’intervention du politique.
Mark décrit avec tact, mais sans concession, le différentiel de vision entre les hommes de terrain et les politiques. Les motivations très pures qui l’ont conduit vers les SEAL puis vers le DEVGRU ressemblent à ce que la plupart d’entre nous, au sein des SAS britanniques ou du GIGN, ont décidé pour leur propre vie. Cette forme d’« égoïsme généreux », tourné vers la protection de ses concitoyens et de son pays trouve, dans les pays d’essence démocratique, une expression formidable qui permet, dans des circonstances exceptionnelles, de rendre possible ce qui paraît impossible au plus grand nombre.
Le témoignage de Mark, au-delà de la mission qui a servi de révélateur à son livre, plonge au cœur de la vie des membres de la « Green Team ». J’y reconnais le travail des unités au sein desquelles j’ai eu la chance et le bonheur de servir. Mark délivre un témoignage d’une grande vitalité aux membres anciens ou actuels des unités d’intervention, serrant au plus près la vie intime de celles-ci, leur quotidien et le sens profond de leur mission.
En lisant Ce jour-là, ce quotidien me revient naturellement à l’esprit. C’est, comme le dit très bien Mark, la mission qui structure tout. Elle est un formidable concept, qui concentre l’objectif, les moyens de l’atteindre et le respect des valeurs du pays que l’on sert.
Il parle très bien de l’impondérable aussi. L’impondérable qui ne manque pas de perturber les missions et qui doit tout de même être évalué en amont. Dans ces cas-là, l’autonomie de décision des hommes sur le terrain est capitale pour réagir. Par exemple, il arrive fréquemment qu’on prévoie une descente des hommes sur la cible par corde lisse, et qu’il soit impossible à l’hélicoptère de les déposer au point prévu. Ou, qu’au dernier moment, le vol stationnaire soit compromis et que l’appareil soit obligé de remettre les gaz et de revenir sur la zone une deuxième fois. L’effet de surprise alors gâché et les ennemis alertés, aux aguets. Plusieurs fois au GIGN, à une époque où le GPS n’était pas en dotation, nous avons dû recentrer notre base d’assaut. Chaque fois, c’est une dose supplémentaire de stress d’autant mieux maîtrisée qu’elle a fait l’objet d’exercices préalables, trivialement dénommés : « cas non conformes »…
Ce qui fait la différence alors, et permet la réussite de la mission, sera tout ce qui la
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