Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était de Gaulle, tome 3

C'était de Gaulle, tome 3

Titel: C'était de Gaulle, tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
Vom Netzwerk:
vente. Nous ne pouvons pas ignorer l'évolution des moeurs. On ne peut aller là contre.
    « Projet ou proposition de loi ? Les parlementaires ont droit à l'initiative. Faut-il le leur contester ? Non, au contraire.
    « Vous avez abordé beaucoup de sujets connexes, mais on ne peut pas tout traiter dans le même texte : la régulation des naissances, l'érotisme, la natalité. Gardons aussi un espace largement ouvert à la réglementation.
    « Quant à l'avortement, il pose un problème différent, dont il faudra que le gouvernement se saisisse, la ligne de pensée reposant sur l'idée que l'avortement doit conserver un caractère strictement thérapeutique.
    « Sur la politique d'ensemble que le gouvernement devra définir, ne confondons pas politique familiale et politique nataliste. Ce que nous avons en vue, c'est bien une politique nataliste.

    « Les moeurs se modifient ; nous n'y pouvons à peu près rien »
    GdG. — Les moeurs se modifient ; cette évolution est en cours depuis longtemps ; nous n'y pouvons à peu près rien. En revanche, il faut accentuer notre politique nataliste. Par quels moyens ? Ce sera en particulier dans le domaine du logement, sans pour autant contester la valeur des allocations familiales.
    « Comme M. Michelet, je pencherais vers la procédure du projet de loi, car le gouvernement ne peut pas et ne doit pas éluder ses responsabilités.
    « Quant à l'aspect religieux, croyez bien que j'y suis sensible. J' ai posé la question au Pape, et il m'a répondu qu'il se ferait entendre bientôt sur ce sujet qui est complexe et difficile 3 .
    « Il faut, comme le Premier ministre l'a rappelé, laisser au gouvernement la faculté d'agir largement par décret.
    « Il ne faut pas faire payer les pilules par la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des remèdes ! Les Français veulent une plus grande liberté de moeurs. Nous n'allons quand même pas leur rembourser la bagatelle ! Pourquoi pas leur rembourser aussi les autos ? (Il afait rire pour détendre l'atmosphère, mais elle est restée lourde. Il pousse un soupir.)
    « Enfin, puisqu'il le faut, adoptons ce projet, en l'accompagnant de mesures qui soutiennent la natalité française. »
    A-t-il jamais pris une décision plus à contrecoeur ? Mais, précisément parce qu'elle est douloureuse, elle doit être assumée.

    Mme de Gaulle : « Alors, c'est vrai, vous allez interdire les minijupes ? »
    Orly, mercredi 6 septembre 1967.
    À la suite du Général et de Couve, j'entre dans la cabine de la Caravelle qui va nous emmener en Pologne. Mme de Gaulle, selon son habitude, est déjà discrètement installée. Dès qu'elle me voit, elle se lève et m'interpelle avec une sorte de jubilation : « Alors, c'est vrai, vous allez interdire les minijupes ? »
    Hier soir, répondant sur Europe 1 aux questions des auditeurs, j'avais dit à une mère de famille qui me sommait de le faire : « En effet, je ne suis pas sûr que, dans les lycées et collèges mixtes, les minijupes incitent les garçons à bien travailler ! Mais de là à les interdire... Cela demande réflexion. » Le titreur de Paris-Jour, ce matin, ne s'est pas embarrassé de nuances. Il a annoncé sur la largeur de la « une » : « Peyrefitte va interdire les minijupes. »
    J'explique doucement à Mme de Gaulle que je crains de n'en avoir pas le pouvoir : « Du temps de Napoléon, voire de Jules Ferry, un pareil interdit était peut-être concevable. Je doute qu'il le soit aujourd'hui. Il n'y a plus d'uniformes dans les lycées. Comment lutter contre la mode ? » Je vois une profonde déception se marquer sur le visage de Mme de Gaulle. J'ai dû baisser fortement dans son estime.
    Je me retourne. Le Général est là, silencieux. Il a tout entendu. J'imagine — ou plutôt je sens — qu'il approuve celle que les Français appellent avec attendrissement Tante Yvonne. Elle a bien compris que la minijupe deviendra le signe distinctif des « filles libérées » ; tout comme, aux Antilles, le madras noué à gauche signifie « coeur à prendre », tandis que, noué à droite, il écarte les invites : « coeur pris ». Les jeux amoureux entre lycéens et lycéennes vont sûrement s'en trouver encouragés.
    Pourtant, le Général sait qu'il serait aussi vain de prétendre interdire cette évolution que de vouloir arrêter la marée en écartant les bras. C'est bien ce qu'il a dû penser quand, après les assauts de Pompidou, de Jeanneney et de Neuwirth, il s'est rendu à leurs raisons.
    1

Weitere Kostenlose Bücher