C'était de Gaulle - Tome II
cette participation dont vous nous rebattez les oreilles depuis 47, et même dont vous parliez dans vos discours de Londres ou votre conférence d'Oxford, en novembre 41, il n'en reste rien ? Vous nous avez fait franchir le Rubicon pour y pêcher à la ligne ? » Rire sonore de Vallon sous les voûtes du Palais-Bourbon. Il n'est pas homme à se vanter : il a dû le dire ainsi. Il faut être un très ancien compagnon pour se permettre cette insolence. Mais il sait aussi que le Général a toujours tout passé aux « gaullistes de gauche », comme s'il avait envers eux des complexes, à cause de ses origines familiales « de droite ».
« Les corps intermédiaires se refusent à jouer le second de leurs deux rôles »
Salon doré, 26 juin 1963.
GdG : « Il est certain que l'opposition va tenter de nous faire capoter sur l'économie : de pousser les hausses de salaires au maximum ; de faire des campagnes de panique sur les prix ; de flanquer le franc en l'air. L' opposition, après ses échecs de l'an dernier, a conclu que c'était le seul moyen de se débarrasser du système. Si elle réussit, elle peut retourner tous les arguments qui plaident pour nous. (Il se met à les imiter par avance.) "Ils ont perdu l'Afrique et l'Algérie." "Leur grand succès s'est effondré, la monnaie saute."
« Il y a un côté malsain dans ces grèves endémiques. Vingt-quatre heures de grève d'enseignants, ça ne se récupère pas. Ce sontdes désordres. Pourquoi ? Le Syndicat national des instituteurs réclame que la prime de surcharge donnée aux instituteurs qui ont une classe unique, si elle compte plus de dix enfants, soit étendue à ceux dont la classe a moins de dix élèves. 250 000 instituteurs font la grève parce qu'il n'y a pas de prime de surcharge pour 2 000 instituteurs qui ont moins de dix enfants. Et on cède ! »
Pompidou : « Naturellement, le Général a enfourché ce dada »
Matignon, 20 août 1963.
Chalandon, lanterné par Matignon, a obtenu une audience du Général.
Pompidou : « Naturellement, le Général a enfourché ce dada. Pourtant le système de Chalandon pour la participation est absurde ; il est même dangereux : que se passera-t-il si, pour supprimer l'inflation, on bloque les salaires ? C'est du Capitant ! Les salariés se révolteront ! Les salaires différés, les comptes d'épargne, l'emprunt forcé, c' est bon pour Moscou ! Ça suppose un régime totalitaire, ou ça y conduit ! Les ouvriers veulent récupérer leur plus-value par le salaire. Un point, c'est tout. »
« Les travailleurs français, c'est un troupeau d'assujettis »
Pendant ce temps, le Général ne démordait pas de son projet. Le 9 septembre 1964, à l'issue du Conseil , il me déclare :
« On ne prend pas les travailleurs français au sérieux. Pas plus que les citoyens. C'est un troupeau d'assujettis, comme on dit. On veut leur faire prendre des vessies pour des lanternes.
« Les travailleurs et les cadres d'une entreprise doivent avoir le sentiment qu'ils sont associés à la marche de cette entreprise ; et ce sentiment, ils ne l'auront que si c'est le cas. Alors qu'on les traite en irresponsables, même si on fait semblant de discuter avec les syndicats. Et comme les syndicats ne s'intéressent qu'à la surenchère sur les salaires et donc sur les prix, c'est un dialogue de sourds.
« Il faut que les citoyens croient à la possibilité de changer eux-mêmes leurs dirigeants, à commencer par le premier d'entre eux. Il faut que les ouvriers et les cadres d'une entreprise aient le sentiment qu'ils pourront jouer un rôle dans le choix du dirigeant si celui-ci se montre incapable.
AP. — Mais ils ne le demandent pas. Et si on leur accordait ce droit, ce seraient les syndicats qui le prendraient à leur compte.
GdG. — C'est le problème. Il faut trouver pour les entreprises un système qui associe les travailleurs, comme la V e République associe désormais les citoyens. »
1 Inspecteur des finances, banquier, ancien secrétaire général du mouvement gaulliste.
2 Commissaire au Plan.
3 Député. Dirigeant des gaullistes de gauche.
Chapitre 17
«LA SÉCURITÉ SOCIALE, C'EST DÉLICAT»
Au Conseil du 10 juillet 1963, Grandval nous entretient des difficultés entre les médecins et la Sécurité sociale : « Je souhaite utiliser les délais pour une ultime tentative de conciliation.
GdG. — Vous avez raison sur le fait qu'il faut le dialogue.
« Mais il ne faut pas d'arbitrage qui ne serait pas celui de
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