C'était le XXe siècle T.2
sur le Crédit municipal d’Orléans qu’il va jeter son dévolu. Son directeur, Desbrosses, est bien connu de lui et M. Alexandre le sait prêt à tout. Il a raison : Desbrosses obéira aveuglément à ce qu’il exigera de lui.
Puisque M. Alexandre est joaillier – la maison Alex –, il ne lui est pas difficile de se procurer de fausses émeraudes. Celles-ci sont portées au Crédit municipal d’Orléans et acceptées pour vraies par Desbrosses. Dès lors, les millions vont glisser dans les poches de Stavisky : en trois ans, quarante-trois !
D’évidence, cela ne durera pas toujours. Stavisky ne peut en douter. L’historien s’effare lorsqu’il constate que M. Alexandre, au milieu de ses splendeurs, a conservé les réflexes du petit escroc qu’il était au temps des Folies-Marigny. Celui qui répétait : « On verra bien. »
Le commissaire Pachot – qui avait arrêté Stavisky à Marly – n’a pas perdu de vue l’homme qu’il continue à considérer comme un simple malfaiteur. Les rapports de M. Alexandre avec le Crédit municipal d’Orléans attirent son attention. D’autant plus qu’un complice vient à point nommé dénoncer la fraude. L’inspecteur Cousin enquête sur l’affaire. Il rédige un rapport qui révèle tout le mécanisme de l’opération. Le document est transmis au Parquet.
Le plus lucide, en l’occurrence, c’est Desbrosses. Il sent que le filet se resserre, il meurt de peur. Il court à Paris, supplie M. Alexandre. Le Crédit municipal d’Orléans va être l’objet d’une inspection imminente. Que deviendra-t-il, lui, Desbrosses ? Que deviendra son « patron » ? Fulgurante, la réplique d’Alexandre : il rembourse les quarante-trois millions !
Quand les inspecteurs arrivent à Orléans, quand ils se penchent sur les comptes du Crédit municipal, ils trouvent éteinte la dette de M. Alexandre. L’enquête s’arrête d’elle-même.
Où Stavisky a-t-il trouvé les quarante-trois millions ? En partie dans les caisses de la Foncière. Elle a attiré également l’attention de la police, cette entreprise de promotion immobilière dont l’essor s’est révélé si prometteur. De nouveaux rapports soulignent la présence inquiétante de Stavisky à sa tête. Des demandes d’enquête sont déposées par le ministère du Travail, par celui des Finances. Certains journaux financiers expriment leur inquiétude. Un ancien ministre, avocat d’affaires, intervient. L’enquête s’interrompt. La Foncière continue.
N’importe, c’est un gros paquet, quarante-trois millions. Il faut les retrouver. Le système des crédits municipaux offre tant de simplicité qu’il enchante M. Alexandre. On a dit adieu à Orléans. On ira donc à Bayonne.
Les vacances à Biarritz d’Arlette – son mari la rejoignant pendant les week-ends – ont permis au couple de se lier avec Garat, député-maire de Bayonne, qui leur a été présenté par le député Boyer. À Garat, M. Alexandre vante les bienfaits d’un crédit municipal. Convaincu, Garat fait agréer le principe d’un mont-de-piété à Bayonne. Reste à savoir qui le dirigera. Toujours prompt à rendre service, M. Alexandre s’empresse. Il recommande un certain Tissier dont il jure qu’il est l’homme de la situation. Garat l’engage sur-le-champ.
La valse des millions recommence. Comme naguère à Orléans, de fausses pierres précieuses sont dirigées sur Bayonne. Un bijou valant 1 500 francs est estimé 600 000 francs et, là-dessus, on prête à M. Alexandre 500 000 francs.
À ce train, le Crédit municipal devrait courir à la ruine. M. Alexandre trouve le moyen de combler le gouffre qui se creuse : il suffit d’émettre des bons de caisse ! Ce qui est fait. À peine imprimés, on les place dans les meilleurs établissements financiers. On y est aidé par une lettre de M. Dalimier, ministre du Travail : « Étant donné les avantages de sécurité que présentent de tels placements, je ne doute pas que les conseils d’administration, et plus particulièrement ceux de la région de Bayonne, ne réservent un bon accueil aux offres qui leur seront faites. » Plusieurs compagnies d’assurances s’empressent de souscrire.
Naturellement, les sommes obtenues glissent en grande partie vers la caisse de M. Alexandre. Les souches des carnets portent des chiffres qui ne correspondent nullement à la valeur des bons. La différence, c’est M. Alexandre qui
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