C'était le XXe siècle T.2
l’attend devant la Santé, il trouve Arlette, son complice Hayotte… et M e Gaulier.
Trois jours après, le quasi-mourant fête le nouvel an dans un cabaret de Montparnasse. Les inspecteurs commis à sa filature manifestent leur étonnement : Stavisky sort deux fois par jour. Il marche d’un bon pas.
Le 20 janvier 1928, Stavisky se marie. Voilà le petit Claude légitimé. Plus tard, Arlette lui donnera une sœur. Le couple se présente désormais sous le nom d’Alexandre, parce que Stavisky s’est juré de changer de peau. Stavisky ? Connaît pas. Cette métamorphose, même avec le recul du temps, présente à nos yeux quelque chose qui fascine. Stavisky a joué sur la faculté d’oubli des Parisiens. Il a compris que la puissance va aux puissants, l’argent aux fortunés. Seul à savoir qu’il s’agit d’un trompe-l’œil, il met en scène sa propre personne, sa propre fortune. Désormais, Serge – nouveau prénom – ne fréquentera plus que les palaces, les restaurants huppés. Il se fera conduire dans de somptueuses voitures. Les femmes envieront les toilettes et les bijoux d’Arlette.
D’où vient l’argent ? Au départ, d’une firme, Alex , fondée par Stavisky, qui vend des bijoux, de l’orfèvrerie, des objets d’art. La maison Alex aura des succursales au Touquet, à Biarritz, à Cannes. Il a fallu une mise de fonds dont on ignore l’origine. Stavisky dira simplement à Kessel : « Un homme m’a aidé. Il est mort. » Il reste encore bien des mystères dans l’histoire de Stavisky.
Alexandre lance un réfrigérateur qu’il baptise Phébor , crée une société d’alimentation générale et, à Cannes, le Palais des Sports. Il recrute des conseils d’administration éblouissants. Il donne des dîners fantastiques. Ses photos et celles d’Arlette paraissent dans les journaux.
Le même homme demeure l’objet d’instructions concernant plusieurs affaires dont chacune peut lui valoir bien des années de prison. Il vit sous le régime de la liberté provisoire. Avec ces multiples épées de Damoclès suspendues sur sa tête, comment est-il parvenu à édifier cette nouvelle et incroyable fortune ? La réponse nous conduit tout droit au nœud du scandale. L’une des instructions va se clore par non-lieu. Pour les autres, chaque fois que Stavisky sera convoqué devant la justice, ses avocats obtiendront une remise : on gagne quelques mois. L’affaire est-elle appelée de nouveau ? On demande une nouvelle remise. Et on l’obtient ! Dans l’esprit du public – et peut-être dans celui des magistrats –, quel rapport pourrait-il dès lors exister entre le petit escroc Stavisky et l’homme d’affaires Serge Alexandre qui mène la vie à si grandes guides ?
Jusqu’où ne montera-t-il pas ? Il a signé un contrat avec la Ville de Paris pour la construction d’immeubles entre la porte Dauphine et la Muette. Afin de mener à bien l’opération, il lance un emprunt de cent millions, et aussitôt les titres de la Foncière s’arrachent. Dans la seule année 1930, le ménage Alexandre dépense cinq millions. La belle Arlette est devenue la chargée de relations publiques du couple. On ne voit qu’elle à Biarritz, à Deauville, à Cannes, à Saint-Jean-de-Luz. Dès que son mari l’y rejoint, on le voit entouré d’amis, beaucoup d’amis. Ceux-ci boivent les paroles de leur hôte quand il répète avec componction :
— Les relations, c’est le secret de tout.
Dans son portefeuille, M. Alexandre serre un sauf-conduit délivré par le commissaire Bayard : « Le nommé Stavisky peut se recommander de mon nom devant les représentants de la force publique et recourir à eux le cas échéant. »
En fait, M. Alexandre est en train d’édifier la plus colossale escroquerie du siècle.
Tout commence à Orléans. On trouve dans cette ville, comme en beaucoup d’autres, un crédit municipal, autrement dit un mont-de-piété. On connaît le principe de ces établissements : ils accordent des prêts sur des objets qui leur sont déposés en gage. Si, au bout d’un certain délai, le prêt n’est pas remboursé, l’objet est vendu au profit de l’emprunteur.
Pour assurer le roulement de ses opérations, tout crédit municipal a besoin d’argent frais. Aussi ces établissements sont-ils autorisés à émettre des bons de caisse, emprunts producteurs d’intérêts. Système qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de M. Alexandre.
C’est
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