C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
sans limites :
— De quels camps parlez-vous ? Je n’ai jamais entendu ces noms-là !
Le lendemain, la mémoire lui revient tout à coup. Où avait-il la tête ? C’est vrai, les camps ont bel et bien existé mais ils ont été supprimés en 1940. Quant aux prisonniers qui s’y trouvaient, c’est tout simple, ils ont été transférés dans différents camps de travail. Anders se refuse catégoriquement à admettre que l’on ne puisse les retrouver. Ce que voyant, Panfilov finit par promettre de les faire rechercher.
— Il en reste peut-être quelque chose, de ces Polonais (8) …
Face à de tels atermoiements, Stanislas Kot, ambassadeur à Moscou du gouvernement polonais en exil, décide de s’adresser aux plus hautes autorités soviétiques : à Vychinsky, vice-président du Conseil des commissaires des peuples, à Molotov, vice-président du Comité d’État à la Défense, à Staline enfin. Sans relâche, il les abreuve de notes diplomatiques. Vychinsky se contente de répondre :
— À mon avis, tous les officiers ont été libérés. Il ne s’agit plus que de savoir où ils sont. Si quelqu’un d’entre eux n’a pas encore été relâché, il le sera certainement. Le problème n’en est plus un pour moi.
D’évidence, il faut reprendre les démarches au plus haut niveau. Le 13 octobre 1941, le général Sikorski, chef du gouvernement polonais, adresse une « note spéciale » à Bogomolov, ambassadeur soviétique à Londres. Un mois plus tard seulement, il reçoit la réponse. Bogomolov, se reportant à une déclaration officielle, en date du 8 novembre 1941, sur l’amnistie des citoyens polonais en URSS, affirme : « Tous les officiers présents en URSS ont été relâchés. »
On tourne en rond. Pour en avoir le cœur net, il faudrait pouvoir poser la question à Staline lui-même. Sous la pression instante du gouvernement en exil, le dictateur accepte enfin – le 11 novembre 1941 – de recevoir Kot. Par chance, les historiens peuvent disposer du dialogue échangé, en présence de Molotov, par les deux hommes. Il a fait l’objet d’un compte rendu « noté aussitôt après l’audience » par l’ambassadeur lui-même.
« Kot . — J’ai déjà pris beaucoup de votre temps, Monsieur le Président, alors que vous avez tant de choses importantes à faire. Mais il y a encore une question importante : puis-je la soulever ?
Staline (poliment). — Certainement, Monsieur l’Ambassadeur.
Kot . — C’est vous qui êtes l’auteur de l’amnistie pour les citoyens polonais en URSS. Voudriez-vous user de votre influence pour obtenir que votre initiative soit pleinement réalisée ?
Staline . — Y a-t-il encore des Polonais qui ne sont pas relâchés ?
Kot . — Pas un seul officier du camp de Starobielsk, liquidé au printemps 1940, n’est arrivé chez nous.
Staline . — Je vais m’en occuper. Mais après une libération, tellement de choses peuvent arriver ! Comment s’appelait le commandant de la défense de Lwow ? Général Langner, si je ne m’abuse ?
Kot . — Langner, Monsieur le Président.
Staline . — C’est cela, le général Langner. Nous l’avons relâché l’année dernière. Nous l’avons fait venir à Moscou et avons parlé avec lui. Puis il s’est évadé vers l’étranger, probablement en Roumanie. (Molotov acquiesce). Il n’y a pas d’exceptions à notre amnistie, mais d’autres officiers ont pu agir comme le général Langner.
Kot . — Nous avons les noms et les listes. Par exemple, le général Stanislas Haller n’a pas encore été retrouvé. Les officiers de Starobielsk, Kozielsk et Ostachkov, qui ont été emmenés de ces camps en avril et mai 1940, sont portés manquants.
Staline . — Nous avons relâché tout le monde, même les gens qui ont été envoyés chez nous par le général Sikorski pour faire sauter les ponts et tuer des citoyens soviétiques. Même ceux-là, nous les avons relâchés.
Kot . — Ma requête, Monsieur le Président, est que vous donniez des instructions pour que les officiers, dont nous avons besoin pour l’organisation de notre armée, soient libérés. Nous avons des rapports qui mentionnent les dates auxquelles ils ont été emmenés hors des camps.
Staline . — Y a-t-il des listes précises ?
Kot . — Tous les noms ont été notés par les commandants russes des camps qui tenaient à jour la liste nominative des prisonniers. De plus, le NKVD a fait une
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