Chasse au loup
loin des hussards français déployés en ligne. Ils ratissaient un pré parsemé de cadavres, à la recherche de la dépouille d’un officier supérieur.
Enfin, Knerkes se trouva suffisamment au nord-ouest du champ de bataille pour ne plus risquer de rencontrer un peloton de cavalerie. Il se rendit alors au trot jusqu’à Radlau.
Le village semblait désert. Les combats n’étaient pas parvenus jusque-là. Knerkes demeurait vigilant. Il pouvait tomber sur un fuyard ou des voleurs occupés à piller les habitations évacuées.
Il faisait le point sur sa situation. Lukas Relmyer ne renoncerait jamais à le chercher. Cette pensée l’épouvantait. Que pouvait-il exister de pire qu’un homme vous traquant sans relâche ? Par ailleurs, Teyhern lui avait annoncé que l’armée avait découvert qu’il manipulait les registres militaires. Ce naïf voulait le faire chanter ! Quelques coups de couteau avaient réglé ce problème. Mais les enquêteurs militaires n’en resteraient pas là. Teyhern lui avait juré qu’il ne leur avait rien révélé, mais cela était-il vrai ? De plus, lors de sa tentative de chantage, Teyhern l’avait prévenu qu’il avait confié des lettres à des amis en leur demandant de les faire parvenir au ministère de la Guerre s’il ne les avait pas recontactés au bout de quelques semaines. Teyhern avait ainsi cru se protéger. Il projetait de quitter Vienne et de reprendre son train de vie opulent à Berlin. Malheureusement pour lui, Knerkes avait lui aussi décidé de s’enfuir... Il pensait s’installer en Westphalie ou en Bavière. On le croirait mort à Wagram.
Knerkes aurait pu fuir immédiatement, mais il voulait d’abord repasser chez lui. Il désirait récupérer quelques effets personnels ainsi que l’argent qu’il avait amassé en prévision de son départ définitif. Il n’avait pas osé prendre cet or avant la bataille. Si son cheval avait été blessé ou tué, Knerkes aurait dû l’abandonner avec ses sacoches emplies de pièces. De même, s’il avait été capturé, sa monture et sa fortune auraient été saisies. Or pas de nouvelle vie possible sans argent. Mais ces deux motifs n’étaient pas les seuls à le ramener là. Un adolescent l’« attendait », ligoté et bâillonné dans la remise. Knerkes avait réussi à l’attirer chez lui et à le maîtriser juste avant que la bataille n’éclate et ne le mobilise. Maintenant qu’il était veuf, il pouvait utiliser sa propre maison pour ses crimes. Ce jeune homme devait être très affaibli : il n’opposerait aucune résistance...
Knerkes arriva devant sa demeure. L’excitation l’envahissait ; son visage se couvrit d’une pellicule de sueur. Il mit pied à terre, attacha à la va-vite son cheval à un piquet et se précipita vers la remise. Il ouvrit et se retrouva face à la silhouette d’un adulte. Knerkes recula, dérouté, tandis que Relmyer s’avançait vers lui. Relmyer vivait une incroyable minute de triomphe. C’était infiniment plus encore que de se trouver devant le coupable pour l’arrêter. Il quittait la pénombre de la remise, mais il croyait sortir de la cave de la ferme en ruine. Le captif, qu’il avait libéré deux heures plus tôt, s’était enfui, mais Relmyer imaginait que l’adolescent était toujours là et qu’il s’agissait de Franz. Son rêve se réalisait. Dans son esprit en plein tumulte, il pensait avoir à nouveau quinze ans. Mais il s’était changé en un adulte rompu au combat, en un soldat d’élite qui allait terrasser aisément leur bourreau. En cet instant, Relmyer répétait son passé et il le faisait de façon victorieuse.
Knerkes recula jusqu’à son cheval. Il dégaina l’un de ses pistolets d’arçon, mais Relmyer fut plus rapide que lui. La pointe du sabre du jeune hussard plongea dans le poignet de Knerkes qui lâcha l’arme. L’attaque de Relmyer avait été d’une exécution parfaite. Knerkes enserra sa blessure de sa main valide pour empêcher le sang de couler. Margont et Lefine apparurent à leur tour. Margont sortait de la maison par une fenêtre tandis que Lefine quittait un bois voisin. Ils se trouvaient assez loin. Craignant que, en repérant quelque obscur détail, Knerkes ne devine qu’on lui avait tendu une embuscade, Margont, Lefine et Relmyer s’étaient cachés à des endroits distants les uns des autres. Ils avaient ainsi constitué un large cercle afin d’être assurés de prendre Knerkes dans leur nasse. Ils
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