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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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de leurs archives avec eux...
    Relmyer releva le menton et fixa Margont d’un regard pétillant. Régulièrement, il se forçait à paraître joyeux et le devenait même parfois. Il ajouta, changeant de sujet :
    — J’aime votre façon de dire les choses. Très claire, très mathématique.
    — Vraiment ? « Mathématique » ?
    Jamais Margont n’avait entendu pareil compliment.
    — Vous aimez les mathématiques ? s’enquit Relmyer.
    — Sans excès.
    — Quel grand dommage ! Les mathématiques sont au coeur du monde, elles sont l’essence même des choses. Elles peuvent traduire la totalité de ce qui nous entoure dans un langage ramené à sa plus simple expression.
    — Mais encore ?
    — La trajectoire d’un boulet, la voûte d’une cathédrale, la solidité d’un pont, la vitesse de déplacement d’une armée, un enchaînement d’assauts à l’escrime...
    — Et tout cela, c’est le monde ? L’amour, l’amitié, la littérature ? Aussi des chiffres ?
    — Pas encore. Mais un jour, certainement.
    Margont n’aimait pas ce point de vue et voulait répliquer, mais Lefine eut une phrase pour le consoler :
    — Ne vous inquiétez pas, mon capitaine, nous ne connaîtrons jamais cette triste époque : la guerre nous aura tous tués depuis longtemps.
    Le groupe s’arrêta au bord du Danube et les chevaux s’empressèrent de s’y abreuver. Dans leur dos, des troupes françaises et alliées gagnaient leurs quartiers. Ces masses extravagantes, démesurées, surmontées d’une forêt de fusils, se mouvaient lentement dans les plaines. Le bruit de leur déplacement, martèlement sourd des milliers de pas et cliquetis des objets et des armes, avait quelque chose de féroce. Des messagers passaient et repassaient au galop. Trois lignes pratiquement illisibles, griffonnées par un aide de camp tentant désespérément de consigner les ordres dictés à toute allure par Napoléon, pouvaient stopper net la marche de ces mille-pattes titanesques avant de leur faire prendre un virage pour les expédier dans une autre direction.
    — Observez donc toutes ces îles, déclara Relmyer.
    Le cours majestueux du Danube était en effet encombré d’un nombre étonnant de petites îles. Celles-ci étaient boisées, marécageuses, couvertes de hautes herbes... De visu, on ne pouvait se forger une idée claire de leur topographie.
    — Même en ne prenant en compte que la portion du Danube qui s’étend du nord de Vienne au sud de Lobau – l’île la plus importante –, on en compte des centaines qui composent un véritable labyrinthe. Les courants leur donnent naissance ou les anéantissent, selon leurs caprices. J’ignore pourquoi Wilhelm et celui que nous recherchons se trouvaient ici. Mais je sais une chose : si vous connaissez bien les lieux, vous parviendrez aisément à vous enfuir, quand bien même cinquante soldats vous traqueraient.
    — Sur laquelle de ces îles se trouvaient-ils ?
    Relmyer chercha Pagin du regard. Celui-ci inspectait le fleuve, son cheval immergé jusqu’au poitrail. Il s’imaginait cavalcadant au-devant de l’Empereur pour annoncer que lui, hussard Pagin du 1 er escadron du 8 e hussards, avait découvert un gué ! Fini le casse-tête des ponts qui s’effondraient ! Malheureusement, d’autres avaient cherché avant lui et, sous peu, on allait le voir agiter les bras, emporté par le courant. Ces temps-ci, le Danube avait toujours le dernier mot. Relmyer lui fît signe et Pagin revint au galop. La question le désola. Il aurait tellement voulu satisfaire ces deux officiers...
    — Impossible de le savoir, mon lieutenant. Je n’ai interrogé que des témoins indirects et les gens se contredisaient mutuellement... C’était par ici, non loin de Vienne, durant la nuit du 19 au 20 mai. La patrouille suivait le rivage, elle a entendu du bruit et a aperçu deux silhouettes sur l’un des îlots. Elle a lancé des sommations puis elle a tiré... Le temps de dégotter une barque, l’autre compère avait disparu.
    — L’adolescent était-il mouillé ?
    — Trempé.
    Relmyer caressait l’encolure de son cheval, pensif.
    — Ils ont dû vouloir traverser à la nage. Sur plusieurs lieues, les ponts ont été détruits par les Autrichiens en retraite et l’archiduc Charles a fait saboter la majorité des embarcations.
    Margont laissait glisser son regard sur la surface de l’eau, débusquant les frémissements qui accrochaient les rayons du

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