Chasse au loup
soleil.
— Les courants rendent la traversée du Danube dangereuse. Ils ont dû agir de nuit, de peur d’être repérés par des sentinelles. Qui plus est, notre homme était armé d’un pistolet qu’il a su maintenir au sec, probablement en le coinçant sous un chapeau. Et il a pu utiliser à son profit cet enchevêtrement d’îlots pour s’enfuir. Sauriez-vous faire la même chose ?
Relmyer secoua la tête.
— Je ne crois pas.
— Donc il connaît les environs encore mieux que vous. Comment a-t-il rencontré Wilhelm ? Comment a-t-il fait pour le contraindre à venir jusqu’ici ? Où allaient-ils ? Dans quel but ? Cela fait beaucoup de questions.
Relmyer émit un ricanement triste qui avait le goût salé des larmes.
— Beaucoup de questions ? Mais je n’ai que ça, moi, des questions ! Qui est cet homme ? Pourquoi mutile-t-il ses victimes ? Jusqu’à quand va-t-il continuer à tuer ? Comment faire pour l’arrêter ?
Ils gaspillèrent un long moment à tenter de retrouver l’endroit exact où Wilhelm avait été assassiné. On chercha d’abord une barque, mais celles qui avaient échappé aux Autrichiens avaient été réquisitionnées par les Français. Il fut impossible d’empêcher Pagin de se précipiter dans les eaux, droit sur sa monture. Le courant l’emporta et son cheval se mit à remuer vivement la tête, à la recherche de la terre ferme. La bête parvint enfin à atteindre un îlot qui n’était pas celui que désirait Pagin. Le hussard, malgré sa bonne volonté, ne put explorer qu’une demi-douzaine d’îles.
— Nous cherchons une aiguille dans une botte de foin, s’énerva finalement Margont.
— Même le régiment entier n’y suffirait pas, admit Relmyer.
Pagin regagna péniblement la rive, épuisé et trempé, et livra ses conclusions :
— L’homme connaissait bien les lieux.
Lefîne serrait les dents.
— On le savait déjà avant d’y passer trois heures.
Margont se tourna vers Relmyer.
— Si vous nous montriez cette cave où vous avez été enfermé ?
— La journée est trop avancée, il est déjà tard...
Tard ? Il était midi. Relmyer voulait retourner là-bas tout autant qu’il avait envie de ne jamais y remettre les pieds.
— Bien. Allons-y, concéda-t-il de mauvaise grâce.
Ils remontèrent vers le nord-ouest, longeant le Danube. Puis ils contournèrent Vienne par le nord, cette ville admirable que ni Lefine ni Margont n’avaient pu visiter lors de la campagne de 1805. Excepté Relmyer, tous les cavaliers tendaient la tête dans sa direction, avides d’en saisir le moindre détail, même de loin. Ils perdirent du temps en raison d’un encombrement de troupes. Des bataillons s’étaient mêlés les uns aux autres après avoir voulu dépasser une accumulation de fourgons à munitions. Des chasseurs à cheval de la Garde, arrivant à leur tour, avaient décidé de couper au plus court en traversant les amoncellements d’infanterie. Mauvaise idée. Ce tohu-bohu retentissait de cris, de menaces et d’injonctions. Derrière ce chaos, la volonté de Napoléon se profilait. Lefine se pencha vers Margont.
— L’Empereur dispose ses troupes de façon à faire face à l’armée autrichienne tout en tenant fermement Vienne dans sa main. Cela calmera les ardeurs de ceux qui voudraient se soulever pour faire du grabuge dans notre dos.
Comme chaque soldat français, Lefine avait encore le souvenir des cloches viennoises fêtant la demi-victoire autrichienne d’Essling.
Enfin, la voie fut libre et, au trot, ils atteignirent rapidement la forêt. Celle-ci était plus vaste et plus dense que Margot ne l’aurait cru. La luminosité chuta brutalement, ainsi que la chaleur, qui devint moins pénible. Les hussards se déployèrent à quelques pas les uns des autres. Ils se tenaient sur le qui-vive, le sabre ou le mousqueton à la main. Lefine et Margont étaient mal à l’aise. On dépassait un arbre mort qui révélait des buissons invisibles l’instant précédent. Un groupe d’arbustes frémissait, mais était-ce uniquement du fait du vent ? Les troncs vous barraient la vue. S’il y avait un danger quelque part, vous le découvririez forcément trop tard.
— C’est encore loin, mon lieutenant ? demanda Lefine.
Relmyer ne répondit pas, perdu dans ses souvenirs. Une vieille leçon d’histoire revint à la mémoire de Margont. Que disait-elle déjà ? Peu après Jésus-Christ, le Germain Arminius, chef des
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