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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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tirer
hors de ces maudites herbes si nous parvenons à hisser les voiles ? Allez,
au travail !
     
    Luis de Torres en était demeuré stupéfait. Effectivement, un
vent léger avait commencé à se faire sentir et, bientôt, l’équipage s’affaira
en poussant des cris joyeux. À bord de la Pinta et de la Niña, une
même agitation fébrile régnait. À la fin de la journée, quand Luis de Torres
retrouva Cristobal, il ne put s’empêcher de lui flanquer une bourrade amicale
dans le dos :
    — Je ne te savais pas sorcier, je t’ai sous-estimé. Tu
as fait surgir ce vent à point pour nous éviter de bien sérieux ennuis.
    — Détrompe-toi, ce n’est nullement magie de ma part. Je
savais que le vent allait se lever, j’ignorais par contre dans quelle
direction. Et j’aurais été bien embarrassé s’il n’avait pas soufflé
nord-nord-ouest.
    — Pourquoi ? L’important était qu’il fasse bouger
le navire !
    — Que nenni ! Ce qui comptait, c’était qu’il
souffle dans cette direction précise car cela a prouvé à ces imbéciles que nous
trouverons les vents pour revenir en Espagne.
    — À condition de parvenir à Cypango.
    Cristobal détourna la tête comme s’il ne voulait pas
répondre. Luis de Torres se rapprocha de lui :
    — Est-ce une impression ou me fais-tu comprendre qu’il
n’est pas certain que Cypango se trouve là devant nous ? Avons-nous pris
la bonne route ?
    — Peut-être pas cette fois-ci. Lors d’un prochain
voyage, il nous faudra peut-être partir plus bas que les Canaries, quitte à
nous aventurer sur les mers tenues par ces maudits Portugais. Je sais
maintenant de manière sûre qu’on peut aller et venir sur la mer Océane, et
qu’on y trouve toujours des vents et des courants favorables si on les cherche
bien. Rien que cela justifie ce voyage.
    Luis de Torres hocha la tête. Décidément, Cristobal
demeurerait toujours une énigme pour lui. Nul ne parvenait à savoir quand il
disait la vérité et quand il se contentait de développer ses rêveries, les
habillant d’une apparence de vraisemblance. Il n’aurait pas été autrement
surpris si son ami lui avait expliqué qu’ils se trouvaient pour l’instant sur
une route poussiéreuse d’Andalousie. La réalité n’avait aucun sens pour lui, il
s’en servait comme d’un instrument pour imposer sa volonté aux autres.
    Ce n’était pas si mal vu. Car, le lendemain,
25 septembre, peu après le coucher du soleil, la Pinta tira un coup
de canon pour ordonner à la flotte de stopper. À sa proue, Martin Alonso Pinzon
n’en finissait pas de faire de grands gestes tandis que ses matelots dansaient
une gigue endiablée, lançant frénétiquement en l’air leurs bonnets rouges.
Bientôt, on entendit s’élever du navire, repris par l’équipe de la Niña, le Gloria. À bord de la Santa Maria, les marins hésitaient sur la
conduite à tenir. Certains, ne se contenant plus, tombèrent à genoux et
commencèrent eux aussi à chanter, sous l’œil sceptique des autres qui
tentaient, mais en vain, de dissimuler leur agacement. Finalement, Cristobal,
prudent, ordonna qu’on mette le cap sur la terre que Martin Alonso Pinzon avait
aperçue. Les navires avancèrent lentement dans la nuit, les hommes agrippés au
bastingage et scrutant l’obscurité.
    Au petit matin, il fallut se rendre à l’évidence. Le ciel
était dégagé et l’on ne voyait nulle terre à l’horizon.
     
    Durant les jours suivants, les alertes furent à ce point
fréquentes que Cristobal, après avoir réuni ses capitaines et pilotes, prit une
décision sans appel. Tout homme qui signalerait par erreur la proximité de la
terre devrait laisser passer trois jours et trois nuits avant de pouvoir être à
nouveau autorisé à faire le guet. Les marins demeurèrent dès lors plus
prudents. Ils se contentaient désormais de noter les quelques traces de vie
qu’ils apercevaient, le passage de paille-en-queue, d’albatros et de frégates.
Ils échangeaient entre marins quelques regards, contemplaient l’horizon, puis,
perclus de fatigue, finissaient par aller se coucher avant de reprendre leur
quart. Aucun ne s’aventurait plus à annoncer la proximité de la terre.
    La tension et la fatigue accumulées avaient eu raison des
nerfs des plus endurcis. À bord de la Santa Maria, l’atmosphère était
devenue soudain particulièrement oppressante.
    Ainsi, incapable d’affronter à nouveau le regard chargé de
reproche de ses hommes,

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