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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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troublent au plus profond ?
    Évidemment non, même si je regrette que sa propension à l’affabulation se retourne contre moi, si je déplore qu’il ait mal – ou qu’on lui ait mal fait comprendre – interprété des jeux anodins. En fait, j’en arrive à me demander, après ses déclarations, si on ne l’a pas, involontairement ou maladroitement, conduit à dire de telles choses. Et là, je ne peux m’empêcher de penser à certains membres de l’entourage d’Odile qui ne m’aiment guère. J’en veux pour preuve des lettres détestables qui me sont adressées depuis le début de mon incarcération. Même si leur intention n’était sans doute pas d’orienter les propos de mon petit garçon, du moins je l’espère, je pense que le climat délatoire dans lequel mon fils baignait a dû favoriser ce malaise, mon épouse préférant, elle, rester dubitative et incrédule.
    Oui, évidemment, et on l’aura compris, ma colère est dirigée contre ceux qui ont précipité tant d’existences dans la tourmente. Celle-ci cessera-t-elle un jour ? Je l’espère, bien sûr, mais le spectre de l’erreur judiciaire hante toujours mes dernières heures avant le sommeil.
    *
    Après une nuit à l’hôtel, je passe à nouveau la journée à consulter les PV. En soirée, mes sœurs viennent me chercher. Au cours de la discussion, Dany m’alerte sur un point : elle a vu Sébastien et Cécile, qu’elle rencontre régulièrement, et les trouve en train de changer. Pour elle, mes enfants sont l’objet de pressions psychologiques afin que, peu à peu, ils m’oublient. Mes craintes se concrétisent-elles ? Je m’interroge. En tout cas, je ne comprends pas l’attitude de l’entourage d’Odile, ayant le sentiment d’avoir toujours été un beau-fils respectueux. Souhaite-t-on lui faire tirer un trait sur son passé ou me charger pour qu’elle s’en sorte ?
    Afin d’éviter un maximum de frais, je me suis donc rapproché de Saint-Omer, siège de la cour d’assises du Pas-de-Calais, en demeurant sur Bailleul chez Dany. J’occupe la chambre libérée par ma nièce, Stéphanie, devenue vétérinaire, et m’apprête à partir tous les jours vers 8 heures pour une audience fixée à 9 h 30, et rentrer le soir entre 19 heures et 21 heures. Je sais tout cela, mais surtout je sens la peur monter, l’angoisse que ma totale innocence ne soit pas mise en évidence, reconnue. Et, à chaque instant, passent et repassent dans ma tête, à quelques heures de ce procès où va se jouer mon destin, les multiples pièces de ce puzzle d’horreurs dont la plupart ne s’emboîtent pas.

Chapitre 29

Le procès, Acte I, scène 1
ou
Les trois coups
    La cour d’assises du Pas-de-Calais se situe à Saint-Omer, ville de moyenne importance nantie d’un palais de justice à l’ancienne. Les services du greffe se trouvent au rez-de-chaussée et la salle de la cour d’assises au premier étage. La donne, pour cette affaire très médiatisée, est exceptionnelle. N’y a-t-il pas à la clef un « grand procès de pédophilie » impliquant un « réseau international » de cassettes vidéo avec des ramifications en Belgique (jusqu’à Ostende) ? Un réseau composé de « notables », dont un huissier de justice et son épouse, un supposé gérant de sex-shops, un chauffeur de taxi, une boulangère et un curé ? L’audience se déroule dans la salle d’assises « habituelle », avec, au centre, le président, entouré de trois assesseurs, et, de chaque côté, un jury composé de neuf jurés et de suppléants éventuels. L’avocat général, qui n’est autre que le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, siège dans le box prévu sur le côté droit, assisté d’une jeune collaboratrice, tandis que les places du greffier et de l’huissier audiencier sont réservées.
    *
    Quand débute le cérémonial de souveraineté très solennel annonçant le début d’audience avec sa sonnette retentissante, un huissier de service annonçant « la Cour » et une entrée théâtrale du président tout habillé de rouge et d’hermine, suivi de ses assesseurs et des jurés devant un public prié de se lever, je suis pris de frissons.
    Ce décorum, j’en ai rêvé quand j’étudiais le droit, mais je n’aurais jamais imaginé être, moi, au banc des accusés. Et encore, le terme est usurpé puisque les accusés sont disséminés dans les premiers rangs de la salle réservée au public, accompagnés de

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