Chronique de mon erreur judiciaire
leurs défenseurs, alors que les boxes nous étant initialement destinés sont occupés par les nombreux avocats des parties civiles, associations diverses d’aide à l’enfance ayant décidé de se joindre au ministère public contre nous. Les rangs du fond sont, quant à eux, réservés aux journalistes et aux membres de la famille, sans oublier quelques places pour le public.
Évidemment, cette salle est trop exiguë pour contenir tout ce monde. Dès lors, la salle du premier étage donnant, elle aussi, sur celle des pas perdus, va servir à la retransmission vidéo des audiences, vite déplacée, en cours de procès, sous une grande tente installée dans la cour du tribunal. Pour accéder à l’étage, il faut montrer « patte blanche », présenter le contenu des sacs, déposer son téléphone portable auprès des services de police, puis passer sous un portique détectant les métaux. Les accusés libres ont droit, en plus, à une palpation, sans doute pour leur rappeler qu’ils sont d’anciens « détenus » et qu’il ne faut pas perdre « les bonnes habitudes de la maison d’arrêt ». Sait-on jamais !
*
Le premier jour, rendez-vous de bon matin à Bailleul pour un départ groupé : Dany, son mari Bertrand, Jacques, un ami de la famille, mon ancien directeur de centre aéré, Sylvie ma meilleure amie, mon autre sœur Thérèse et son fils Damien sont là. Nous rejoignons maître Delarue et sa collaboratrice à Saint-Omer, puis filons vers la cour d’assises.
La petite rue du tribunal est interdite à la circulation et deux policiers en faction aux extrémités contrôlent chaque personne désirant accéder. Il y a là une cohorte de journalistes avides de commentaires, munis de caméras et d’appareils photo. Les flashes crépitent de partout. Un très important service d’ordre escorte les dix-sept accusés, leurs avocats, une trentaine de jurés, cent cinquante témoins divers, des membres des familles. La cohue est indescriptible, mais je peux toutefois apercevoir dans la foule des membres de ma belle-famille que, par politesse, je vais saluer, obtenant un rictus pour unique réponse. J’ai chaud au cœur, en revanche, quand je vois mon aîné Thomas et d’ex-collaborateurs de mon Étude : Josiane, Olivier, Catherine et mon successeur maître Marguerite. Je parviens également à échanger quelques mots avec mon meilleur ami Hervé, huissier de justice à Calais, ainsi que mon président de chambre, les époux Lepers, également mis en cause de façon persistante par de nombreuses personnes et enfants, des relations de Samer et notre médecin de famille, le docteur Chemin, à qui Sébastien, selon les PV, aurait « fait des confidences » sur moi (13) . Je croise également des avocats de Boulogne-sur-Mer avec qui j’entretenais d’excellentes relations, lesquels sont pour certains défenseurs de mes principaux accusateurs. Sans aucune animosité pourtant, nous nous saluons.
À l’intérieur, je m’installe dans la partie droite de la salle d’audience, à la deuxième rangée. Avec à ma gauche maître Delarue et à ma droite un siège qui me sépare de mon épouse et de son avocat. Comme Odile me parle à peine, je me demande ce qu’elle a encore à me cacher ? D’autres aventures ? Mais je m’en moque, étant mis au parfum depuis la lecture du dossier.
La journée commence par la désignation du jury, chaque juré appelé à la barre pouvant être récusé par les avocats de la défense, selon son profil ou sa profession. Ainsi, j’apprends que les agents de sécurité sont systématiquement écartés, parce qu’ils se croient investis d’un pouvoir de police qu’ils n’ont pas. Ensuite, le président Monier appelle les témoins de moralité des accusés et, à chacun d’eux, donne la date et l’heure de la comparution, faisant de même ensuite avec les experts. Des procédures qui nous conduisent jusqu’à midi et demie, où je déjeune avec mon avocat et certains de ses confrères. L’audience reprend en début d’après-midi pour la lecture, par les deux greffiers et à tour de rôle, de l’arrêt de renvoi devant la cour d’assises. Un pensum de plus de cent quarante pages d’une si affligeante monotonie qu’il s’avère difficile de maintenir son attention. Quand la litanie terrifiante des accusations s’achève, je souffre d’un atroce mal de tête et rêve de regagner le domicile de Dany et Bertrand, où nous passerons la soirée à
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