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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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confirment leurs inventions ; où la presse s’enflamme pour nous, les faux coupables d’Outreau, victimes du plus grand fiasco judiciaire de tous les temps ; où les juges, dont nous attendrons, en vain, les excuses, n’émettent que de pitoyables « regrets ». Même si je l’ai vécu d’une manière beaucoup plus douloureuse qu’on pourrait l’imaginer, l’acquittement fut la première étape décisive sur le chemin de ma résurrection.
    Désormais, qui suis-je ? Un homme qui se soigne par les petits bonheurs de tous les jours. Dont l’amour, que j’ai retrouvé sur mon chemin alors qu’Outreau a détruit ma vie conjugale d’« avant » ; mais aussi la famille, si précieuse, qui fait bloc autour de moi ; l’amitié, bien sûr, dont on sait le vrai prix quand la vie vous jette dans le néant. Et mon travail d’huissier enfin, avec lequel j’ai renoué, un matin de 2007, en prêtant à nouveau serment au sein de ce même palais de justice de Boulogne-sur-Mer qui, six ans auparavant, avait requis ma mise en détention.
    *
    Oserais-je dire qu’Outreau m’a « apporté » quelque chose ? Oserais-je avouer que l’après Outreau m’a plongé dans une aventure inimaginable ?
    Écrire un livre a été une vraie thérapie, tant l’écriture « libère » en ce qu’elle allège votre fardeau. Ce livre est né du courage d’un éditeur, Flammarion, qui a cru en mon innocence alors même que la cour d’assises de Saint-Omer venait de me condamner.
    Devenir, bien malgré moi qui n’en voulais pas au départ, le héros d’un film (1) , fut une autre énorme surprise. Se voir « joué » par un acteur de génie, Philippe Torreton, un Marécaux si vrai que je pleure en le voyant être devenu moi par le miracle d’une gémellité sidérante, a quelque chose d’à la fois impressionnant et effrayant.
    Et pourtant, comme je voudrais que tout cela ne me soit jamais arrivé ! Comme j’aimerais être resté le petit huissier de cette bourgade du Pas-de-Calais, l’ex-étudiant en droit d’origine modeste dont la famille se disait si fière de sa réussite, l’homme heureux, entouré d’une belle famille qui vivait dans une si jolie maison ensoleillée des cris joyeux de ses trois enfants.
    Oh oui, j’aurais voulu rester le petit notable de Samer, à qui le garde-champêtre remettait en main propre un carton l’informant de sa présence en tête de cortège des défilés du 11 novembre et du 8 mai, côte à côte avec le receveur des Postes et le percepteur. Demeurer celui que je veux rester, de toutes mes forces, tout en ayant conscience que je deviens un peu un autre…
    *
    Car une telle épreuve ne fait pas que vous marquer au fer. Elle vous transforme. Mes goûts ont changé, même ceux que je pensais immuables. Mes priorités, surtout. Si je continue d’exercer mon métier d’huissier avec la même humanité que celle qui fut toujours mienne, je l’exerce néanmoins de manière différente. Surtout, le travail n’est plus toute ma vie. La vie, aujourd’hui, je la savoure tel un déporté qui, revenu des camps, se jette sur la moindre miette. Les loisirs, mot hier inconnu de mon parcours, prennent désormais toute leur place dans ma nouvelle existence auprès de Sabine. Ma femme d’avant Outreau connaissait uniquement un acharné du boulot qui ne s’autorisait que quelques jours de vacances, le portable vissé à l’oreille. Aujourd’hui, auprès de ma nouvelle compagne, je prends le temps de savourer les heures, d’aller au théâtre, de partir en vacances.
    *
    Rien ne sera jamais plus comme avant, mais pour donner toutes ses chances à ma renaissance encore en devenir, je fais aujourd’hui ce serment : ne plus parler d’Outreau.
    Le 14 novembre 2001, j’ai été arraché au bonheur par un tsunami judiciaire aux conséquences irréparables ; le 14 novembre 2011, je cesserai définitivement de m’exprimer publiquement sur « l’affaire ».
    Une affaire que cet ouvrage raconte avec détails et dans toute son horreur, un drame qui ne me quittera jamais vraiment…
     
    Alain Marécaux
    Janvier 2011

Préface
Par maître Hubert Delarue
    Outreau se présentait comme la terrible chronique d’un désastre judiciaire annoncé.
    Nous étions quelques-uns à savoir, ou plutôt à espérer, que le procès de Saint-Omer mettrait, selon le mot de Stéphane Durand-Soufflant, « le vide en lumière ».
    Et la lumière est venue, quotidienne, terrible, bouleversante,

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