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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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secourir.
    — J’ai
un secret ! dit-elle. Je veux que tu le connaisses !
    — Dis-le-moi !
    — Ce
n’est pas un secret qui se parle.
    Ils
étaient trempés des pieds à la tête. La pluie redoublait, annonçant par le
bruit dont elle peuplait la forêt, par le vent du sud qui mugissait doucement
qu’elle allait continuer toute la nuit.
    — Je
rentre au couvent, dit la nonne. Elles vont me mettre au pain sec mais tant
pis ! Je sais comment rentrer et sortir. Viens demain, à la même heure, je
te montrerai mon secret. Tu viendras ?
    — Je
viendrai.
    Il vint.
La pluie qui n’avait pas cessé de la nuit continuait à voix basse son
chuchotis. C’était un voile fin. Elle était là, l’orpheline du monde. Elle le
guettait. Elle courut au-devant de lui. Elle lui prit la main. Elle l’entraîna.
    — N’aie
pas peur, dit-elle. C’est noir mais j’ai de la lumière !
    Elle le
conduisait à travers ronces et taillis vers un talus nettoyé par les blaireaux
pour y déposer leurs fumées. Cerné par ces taillis, c’était nu et vaste. Il n’y
avait pas une plante. La sauvagine, à force d’étendre son désert, avait dégagé
l’entrée d’un boyau souterrain en pierres appareillées qu’un cornouiller mâle
complètement écorcé obstruait à moitié.
    — N’aie
pas peur ! dit Julie. C’est par là que je m’échappe du couvent. Il y a une
trappe au fond du chauffoir. C’est à la voussure du plafond. Personne sauf moi
parce que je suis petite ne peut y accéder à moins de se mettre à genoux. On
m’envoyait la balayer en profitant de ma taille. Un jour cette trappe qui est
en bois a cédé sous mes pas.
    Au départ
du boyau sur le sol de safre, la nonne avait déposé une absconse à la flamme
vacillante et deux flambeaux de poing. Tout en parlant, elle avait approché la
lanterne sourde des torches de résine. La clarté sous la voûte basse était
aveuglante, scintillait de cristaux de safre couleur d’or. La galerie où ils
s’engagèrent, Tancrède devait se courber pour y progresser tandis que la nonne
trottait vivement devant lui. C’était un corridor en terre battue qu’un
caniveau sec creusé avec soin bordait sur l’un des côtés. Ils parcoururent deux
cents cannes à peu près dans ce souterrain. Soudain la lumière des torches
cessa de se limiter au plafond de la voûte, la clarté se dispersa, se perdit au
loin dans le clair-obscur.
    — Voilà !
C’est ici, dit la nonne.
    À droite
du boyau où la voûte avait cédé, un trou énorme se dessinait dans la pénombre
des torches. La nonne leva haut la sienne. Un étrange ensemble de barreaux
épais interdisait l’accès à l’excavation et obstruait le cintre écroulé. Des tentacules
végétaux dardés en tout sens descendaient en grappes hors l’obscurité sans
limites que les torches ne dissipaient pas. Elles se retroussaient sur
elles-mêmes et parfois, au contact du sol bouleversé profitant d’une fissure où
le temps, l’humidité et la poussière avaient refondé une terre arable, elles
s’y enfonçaient, y croissaient, s’y épaississaient et pulvérisaient les
décombres. L’ensemble était couleur de marbre veiné de rouge car les lécanores
véhiculées par l’eau qui suintait le long des tentacules s’étaient lancées en
osmose vers le support végétal et le parasitaient. Les décombres avaient roulé,
autrefois, jusqu’au boyau par où la nonne s’échappait du couvent et l’avaient à
moitié obstrué. À travers les barreaux de cette prison, comme une défense
d’entrer, une ombre épaisse où dominait le bleu outremer se distinguait en
abyme sans se laisser deviner.
    — Qu’est-ce
que c’est ? demanda Tancrède.
    — C’est
un arbre ! C’est les racines d’un arbre.
    — Oui
mais ça là-bas au milieu qu’on peut pas s’en approcher, qu’est-ce que
c’est ?
    — Qu’est-ce
que tu vois ? demanda la nonne.
    Tancrède
ne répondit pas tout de suite. Il observait ce que l’imparfaite clarté des deux
flambeaux lui livrait de l’obscurité ambiante.
    — Je
vois quelque chose de bleu, une bâche peut-être. Attends ! Je vois des
roues ! Des roues basses. Ça a l’air d’être un chariot. Qu’est-ce que
c’est ? Qu’est-ce que ça peut être ?
    — Je
ne sais pas, dit Julie craintivement. Je voulais te faire voir.
    À la
lueur des torches, l’étrange spectacle de ce chariot enseveli sous les blocs
taillés, les gravats et la poussière, et que les

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