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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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faire
parfaitement. N’oublie pas ! C’est l’essentiel. Ce n’est pas l’espérance
d’un paradis que d’ailleurs nous souillerions. Le paradis est sur terre mais
nous n’essayons pas de le voir ! Moi, tu sais, depuis que j’ai perdu ta
mère, la seule chose qui me console, c’est la contemplation, et la plus grande
douleur c’est d’imaginer que l’être aimé ne peut plus contempler !
    Tancrède
médita longtemps sur ces paroles de son père mais la vie qui bouillonnait en
lui ne l’autorisait pas à contempler. Il fallait qu’il la brûle.
    Tancrède
était un coureur des bois, un grand chasseur. Certain hiver, à treize ans, il
avait tué d’un jet de fronde un loup qui le menaçait. Il avait pleuré sur sa dépouille
mais tout à l’heure il avait jeté dans sa besace un beau faisan enluminé de son
plumage à caroncules rouges et dont les ailes dorées, désormais inertes, ne
servaient plus à rien.
    Cette
idée ce matin-là le fît s’immobiliser découragé ; appuyé contre le tronc
d’un hêtre, un abîme de réflexion le tint longtemps ainsi et sans autre pensée.
La grande question qui lui faisait pleurer un loup, alors qu’il était
indifférent à la mort d’un faisan, paralysait son entendement. Il s’était cru
au sommet de son entéléchie alors qu’il était incapable d’assimiler un acte de
chasse à un attentat contre la vie.
    Il était
encore tout secoué par cette évidence navrante lorsqu’il entendit des cris
poussés au loin. C’était un appel au secours. Tancrède se précipita à travers
les taillis sans réfléchir, négligeant les sentiers, la besace battant ses
flancs et la fronde au poing. Il avait toujours des galets plein ses chausses
et bien calibrés.
    L’écho
compliquait sa tâche. Il n’était pas facile de localiser les clameurs. C’étaient
des cris d’horreur, des cris de désespoir, des cris qui réclamaient un secours
immédiat. Giflé par les branches basses, lacéré par les ronces sournoises,
Tancrède fonçait vers ces hurlements qui transperçaient l’air. Il était presque
devant les murs du couvent dont il distinguait au loin la masse austère.
    Brusquement,
il déboucha à la lisière du taillis au bord d’une clairière. Deux hommes y
maintenaient au sol une nonne dont la coiffe avait roulé au loin. L’un
enjambait la victime que le deuxième agenouillé sur elle avait plaquée au sol.
    Tancrède
agit en chasseur qui vient de débusquer le gibier. La réflexion n’était pas de
mise quoi qu’en eût dit son père. Il arma sa fronde d’un galet bien soupesé. Il
était capable depuis l’âge de douze ans d’atteindre un lièvre à la course. Il y
eut un bruit de noix cassée lorsque la pierre rencontra le crâne. Le ruffian
s’affala sur la nonne de tout son poids : mort. Celui qui l’immobilisait
essaya de tourner la tête. Tancrède avait eu le temps de réarmer sa fronde. Il
la brandit encore une fois. Le galet bien affûté percuta la nuque de l’homme
qui tomba sur son acolyte.
    La nonne
se dépêtrait comme elle pouvait de ces deux poids inertes sous lesquels elle
était ensevelie. Elle se mit debout vivement. Elle poussait toujours des cris
stridents qui prouvaient sa robustesse. C’était une fillette de peut-être
quatorze ans. Sa coiffe avait fui sur la pente. Son crâne était entièrement
rasé.
    Elle
ramassa vivement un caillou qu’elle tint serré dans sa petite main. Pour elle tous
les hommes étaient semblables à ses agresseurs. Elle n’attendait rien de mieux
de celui-ci parce qu’il était jeune et beau.
    — Mais
non ! s’écria Tancrède. Je suis franc et loyal !
    Elle
laissa tomber le caillou. Elle murmura :
    — Merci !
    — Vous
pouvez le dire sans regret ! Pour vous sauver, je suis devenu
meurtrier !
    — Vous
le regrettez ?
    Il haussa
les épaules sans répondre. Avait-il eu le temps de savoir s’il
regretterait ? Il considérait ses deux victimes. C’étaient des spadassins
qui chassaient comme lui pour trouver leur pitance. Ils étaient bredouilles,
leur besace était vide. C’étaient deux morts de faim. Ils portaient des
uniformes en guenilles, lesquels prouvaient qu’ils avaient appartenu à l’armée
d’Italie. Leurs pectoraux enveloppaient leurs maigres torses flasques de peau
et sans chair. Leur pénis tout bandant avait été le seul espoir qui les animât
encore.
    — Ils
sont morts ? dit-elle.
    — Bien
sûr ! Je ne rate jamais mon coup ! J’ai horreur de

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