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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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galerie exigeait de lui. Il prit le parti d’avancer
à quatre pattes.
    — C’est
loin ? soupira-t-il.
    — Une
centaine de cannes, dit Tancrède.
    Lui
marchait devant, torche au vent, suivi de la nonne qui trottait et de son père
qui faisait l’ours et grognait tout comme.
    Ils
arrivèrent devant l’éboulement. La nonne embrasa le deuxième flambeau à celui
de Tancrède.
    — Voilà !
s’exclama-t-elle. C’est ici ! C’est ça ! C’est là devant !
    Avec
avidité, à la lueur des torches levées, Tancrède s’avança jusqu’aux barreaux
végétaux qui obstruaient solidement l’accès de la crypte écroulée.
    Soudain
les échos du souterrain furent ébranlés par des imprécations en litanies qui
n’avaient rien de dévot.
    — Vains
dieux de vains dieux de vains dieux de vains dieux ! proférait le Mèche.
    Il venait
de reconnaître, dans la forme énigmatique qui comblait la pénombre à peine
révélée par les torches, le chariot bas sur roues figurant sur la planchette
que le Trancheton lui avait vendue avec quelques autres oripeaux, pour cinq
liards.
    Il
s’était agrippé à une racine barreau et il s’efforçait de l’ébranler. C’était
dérisoire car elle était deux fois plus épaisse que le bras du prédateur. Il se
fit mal aux doigts et aux muscles. Ça ne l’empêchait pas de reprendre à
l’infini sa litanie des « vains dieux. »
    — Sortons
d’ici ! dit-il.
    Il poussait
son fils et la nonne littéralement du front et de la tête car il n’avait
renoncé à marcher en quadrumane. Dehors, l’air de la nuit lui parut amer. Le
secret dont la nonne s’était targuée n’était pas plus clair pour avoir été
éventé.
    Quand ils
sortirent de la galerie, un son incongru frappa leurs oreilles. C’était la
grêle cloche du couvent qui sonnait le tocsin. On devait avoir découvert
l’absence de Julie.
    La nuit
ne porta pas conseil au Mèche. Il la passa à essayer d’imaginer au-delà du
réseau de racines ce que cette bâche et ce chariot pouvaient bien dissimuler.
Dès qu’il fut seul, il se précipita sur les dépouilles que le Trancheton lui
avait cédées. Il scruta avidement l’esquisse du chariot et de la bâche bleue.
Littéralement il essaya de passer derrière le dessin qu’avait esquissé le
Poverello de main de maître. L’énigme était entière. Sauf le sabot griffu et
couleur d’or, la nature du mystère ne se livrait pas, ne parlait pas à
l’imagination. Reproduit sur la planchette ou réel derrière le maillage des
racines, le secret demeurait hermétique.
    Au matin,
le Mèche prit sa décision. Il allait trouver les Provenchères pour les mettre
au courant au sujet de leur fille et tâcher de les amadouer pour la garder. Au
besoin, il plierait le genou devant le comte. Ensuite…
    Il se mit
en route après avoir contemplé une dernière fois la nonne qui dormait à
l’étage, dans la chambre des ancêtres, là où la mère du Mèche s’était éteinte à
quarante ans d’une esquinancie après une grossesse.
    Il
rencontra en route des gens qui se tenaient le ventre. Au carrefour des
Granons, des familles qui se rendaient à la foire de Manosque s’étaient
couchées au long des talus. Il y avait là des vivants qui levaient les bras au
ciel ou qui lui tendaient le poing, des mourants tordus en deux par la douleur,
des morts au visage navré.
    L’espèce
de peste intermittente qui flottait au ras du ciel et qui s’abattait en
giboulée sur tel coin de terre, alors qu’à trois lieues de là on vivait
joyeusement, avait sévi, semblait-il, au carrefour des Granons avec sévérité.
    Quatre
attelages, où le contenu des paniers à provisions était éparpillé entre les
ridelles, attestaient qu’on avait eu la formelle intention de faire ripaille en
se rencontrant entre voisins, sous le prétexte de la foire à Manosque.
    Le Mèche
marcha longtemps à travers la lande au poivre d’âne qui va de Reillanne à
Forcalquier, sous les contreforts de Lure. Le parfum innocent de cette plante
qui parlait modestement des jours heureux à tous ces souffrants de la terre,
laissait parfois la place, quand le vent tournant soufflait depuis les villes,
sur cette immense étendue sans oiseau et sans homme, à l’odeur douceâtre et
apaisante de la mort familière.
    Le Mèche
vit au loin, debout comme une citadelle, la tour de Provenchères dardée vers le
ciel, pure de toute sa blancheur encore intacte après seulement trois cents

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