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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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vous demande pas cela ! Je vous demande que vous en a-t-il semblé de
cet arbre ?
    — Il
est grand, dit le notaire, et il fait de l’ombre.
    Palamède
hocha la tête. Il ne manquait pas, chaque jour, de traverser tout son parc pour
aller contempler ce chêne prodigieux et s’étonner à chaque fois de ces siècles
qu’il avait traversés et dont on ne pouvait rien lire sur lui, sauf le vent qui
circulait à travers son feuillage.
    Il toisa
le notaire en silence et alla se planter devant la fenêtre. Il se prit à
murmurer :
    — C’est
sans doute pour cela qu’on nous dit nobles…
    — Votre
seigneurie, plaît-il ? dit le notaire qui n’avait perçu que le murmure et
non les mots.
    — Oh
rien ! C’est un simple soupir qui m’échappait en passant !
    Il
voulait dire : « C’est peut-être pour cela que nous comprenons des
choses inaperçues des autres mortels. Mais je m’égare : mon père était un
soudard invétéré et un bretteur chatouilleux, lequel pour un sourire dissimulé
d’autrui qu’il prenait à injure tirait l’épée sans barguigner et avec
l’intention de tuer. Il entrait tout botté dans le lit de ma mère à ce qu’elle
m’a raconté. Et quant à mon fils de quatre ans, à voir son irrespect pour la
vaisselle des frères de Moustiers et la façon dont il pète librement et en
toute occasion et devant tout le monde et à grand bruit pour prouver que sa
naissance peut tout lui permettre, je me demande si la noblesse est bien
héréditaire. »
    À cet
instant, la marquise entra dans la pièce. Elle était parfumée de rose et son
teint brillait d’un sourire sans ombre.
    — Ma
mie, lui dit Palamède, notre pauvre oncle est mort.
    Le
notaire, qui avait vu Gersande porter la main à son cœur, voulut tout de suite
dissiper dans l’âme de celle-ci cet effet désastreux.
    — Et
il vous laisse toute sa fortune, précisa-t-il.
    Un autre
homme avait entendu maître Chalgrin énoncer le chiffre de cette fortune.
C’était Giuseppe Pallio, l’un des trois maçons vénitiens qui avaient construit
Montlouis. Il traversait le corridor porteur d’un angelot de pierre aux ailes
déployées mais trop grandes car c’était sa passion que la sculpture et il avait
trouvé mesquin de faire à l’angelot des ailes telles qu’on en voit dans les
reproductions d’ordinaire. D’autre part, le grand escalier, à la hauteur où il
se séparait en deux volutes, lui avait paru bien vide et sans objet. L’angelot
était destiné à combler ce creux.
    Entendant
passer par la porte entrouverte ce chiffre fabuleux de six cent mille livres
qu’avait mezza voce confié le notaire à son maître, le Vénitien crut ouïr en sa
tête cascader les écus. Son imagination aussitôt éblouie se mit à transformer
ce trésor de Golconde en une œuvre d’art car l’imagination vénitienne ne
pouvait concevoir que de la beauté.
    — Un
palazzo ! cria-t-il. Ca’Rocca Sparviera !
    C’était
le nom d’un de ces bijoux de marbre tapis au bord d’un canal latéral dont
Venise avait le secret en ses recoins les plus cachés. Il était insultant pour
cette ville altière de montrer ses trésors. Les abscondre au contraire en
quelque sombre écrin était son sublime orgueil.
    — Mon
ami, le morigéna le notaire, c’est très vilain d’écouter aux portes !
    — Je
n’écoutais pas, dit Pallio en français, j’ai entendu.
    Il avait
une voix profonde de baryton-martin qui émouvait la marquise jusqu’au tréfonds.
    — Laissez,
dit Palamède, cet homme a des mains d’or et il est de bon conseil. Que veux-tu
dire, cher Giuseppe, avec ton Ca’Rocca Sparviera ?
    — Que
vous pourriez construire ici un château aussi beau que les palais de Venise.
Vous avez déjà l’écrin. Et je dessinerai vos jardins. Je peux vous amener de
Venise une centaine de maçons et de tâcherons. Ils n’ont plus rien à faire
là-bas. Le siècle est passé. Venise s’en va en pourriture. Les âmes comme les
pierres ! Je vous les amène ! Je vous les loge à l’hôtel-Dieu que
vous venez de faire construire.
    — Un
palazzo ! répéta-t-il.
    Il tomba
à genoux et, incontinent, se mit à chanter un motet de Nanino. C’était un homme
qui ne concevait la vie qu’en chantant.
    — Et
où trouverais-tu l’architecte ? dit Palamède amusé.
    — J’en
connais un ! J’ai travaillé sous ses ordres au château de la Brenta !
Il a du génie !
    Il disait
« zénie ».
    Le
marquis regardait Pallio

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