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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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venait de mourir en
laissant toute sa fortune à son neveu Palamède.
    Le
testament avait été confié à un notaire nommé Chalgrin. Celui-ci, au lieu de
convoquer le marquis, se dit que quelque repos au soleil du Midi ne serait pas
malvenu.
    Il loua
en Avignon une désobligeante à deux chevaux et légère comme une demoiselle,
laquelle par Apt et la Garde-de-Dieu lui fit franchir le Largue. Quand il
parvint, enlevé par le trot allègre de deux juments, au sommet de la côte
d’Ardantes et que la cédraie lui dévoila la majesté du panorama, de faillible
et ergotant qu’il était jusqu’à alors, maître Chalgrin manqua devenir bon d’un
seul coup, tant le spectacle qu’il tenait sous son regard offrait la grâce
d’une rédemption, capable de modifier le caractère d’un être et de le rendre
pareil à un enfant.
    Le
catalogue complexe de malversations et de turlupinades qui lui pesaient (à son
insu) sur la conscience s’évapora allègrement, et la candeur qu’exprimait ce
pays lui rendit son âme intacte.
    Le cirque
qui étalait sa couronne autour de la pureté immaculée des deux villages
s’inscrivait dans le diadème de deux montagnes usées par le temps jusqu’à
n’être plus que rondeurs : le Luberon au sud et Lure au nord. Au fond,
fantomatique, la chaîne des jeunes Alpes soulignait ces deux ancêtres
géologiques et la tête de l’Estrop scintillait au centre, rutilante.
    — Elle
est notre Orient ! avait dit le cardinal.
    C’était
celui-ci qui avait incité le notaire à porter à Palamède le testament qui lui
léguait sa fortune.
    — Vous
verrez ! lui avait-il dit. Quand vous parviendrez devant Ardantes, mes
voisins, et que vous embrasserez ce pays depuis la Roche-Amère jusqu’au sommet
de l’Estrop, même si vous êtes seul, vous ne pourrez pas vous retenir de vous
exclamer.
    C’était
ce que maître Chalgrin était en train de faire par inadvertance. Aussitôt, en
homme prudent, il mit la main devant sa bouche, afin d’étouffer son cri. Il
regarda de tout côté pour vérifier qu’il était bien seul. L’enthousiasme, à ce
qu’il prétendait, était un sentiment qui ne devait pas seoir à un notaire
sérieux et il s’en voulait de l’avoir éprouvé.
    — Ce
n’est pas tout, avait poursuivi le cardinal, lorsque votre reconnaissance au
Seigneur pour tant de beauté se sera un tant soit peu calmée, vous irez saluer
mon arbre.
    — Un
arbre ! s’était exclamé maître Chalgrin.
    Il était
estomaqué d’incrédulité à l’idée qu’un si haut personnage pût se préoccuper
d’un arbre.
    — Oui !
avait affirmé le cardinal, et vous verrez que c’est aussi une créature de
Dieu !
    Il avait
bien précisé par un croquis l’emplacement de cet arbre et il n’avait pu
s’empêcher d’en parsemer l’alentour avec des croix stylisées dont le nombre
était impressionnant. Et il avait dit encore :
    — Il
se trouve au bord d’un pré tout seul. Son ombre a refusé à toute autre
végétation le droit au soleil. À quelques toises de son tronc existent les
ruines méconnaissables, ensevelies sous les arbres et les buissons, d’un
couvent de clarisses martyrisées au siècle dernier par les huguenots. Je compte
bien d’ailleurs demander la béatification de ces saintes femmes au prochain
concile.
    Même sans
croquis, l’arbre aurait attiré l’œil du notaire car il était omniprésent. Un chemin
à ornières à travers prés conduisait à ces ruines. Une mare s’était formée en
son emplacement, d’une source qui avait été à l’origine du monastère et qui
stagnait depuis, l’écoulement en ayant été obstrué. Le chêne se mirait en
partie dans cette eau pure trop petite pour le refléter tout entier.
    L’arbre
s’élevait devant le ciel et empêchait de voir celui-ci.
    Le
notaire voulut le toiser de bas en haut et se tordit le cou dans cet exercice.
Alors il se découvrit. Il portait en guise de couvre-chef une ridicule toque
qui était son enseigne et qu’il notait jamais que pour dormir. Il entendit la
voix timide d’un rossignol qui occupait à lui tout seul le silence de l’arbre.
Celui-ci avait été comme déposé sur une vague de la terre qui conduisait au
tronc dont le notaire voulut mesurer l’envergure. Sa toque le gênait dans cet
exercice. Il la jeta à terre. Il trouva qu’en étendant les bras il aurait fallu
être six pour enserrer le tronc. À hauteur d’homme, un creux dans l’écorce qui
semblait avoir subi un

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