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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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rempart), ils
l’appelèrent « la maison basse du marquis ».
    Mais
Palamède ne tint aucun compte de ce sobriquet. On était en 1715 et Louis XIV
venait de mourir. Sa maison toute neuve, le marquis l’appela Montlouis en
souvenir de celui auquel il devait sa fortune et sa jambe arrachée. Son père
avait été tué sous Louis XIII à l’affaire du pas de Suse et sa mère en était
morte de chagrin. C’était son oncle, le cardinal, qui l’avait fait élever.
    À
Montlouis, dans cette maison faite pour être heureux, la marquise enfanta deux
garçons et une fille. La conception du second faillit être fatale à leur amour.
C’était une nuit qu’ils s’étaient endormis vannés comme à l’ordinaire de leurs
ébats érotiques. Le marquis négligea toute précaution. D’ordinaire il ne se
couchait dans le lit conjugal qu’à la lueur d’une seule absconse, en se
camouflant dans la ruelle. C’était compliqué à défaire toutes ces sangles,
boucles et joints de cuir dont Maréchal l’avait appareillé pour lier le moignon
au pilon, et il était en droit de se dire que depuis si longtemps que Gersande
l’acceptait pour ce qu’il était, elle s’en était accommodée.
    Palamède
oublia donc d’escamoter derrière la ruelle et sous le lit la prothèse indécente
et ridicule de sa jambe de bois et son système d’adaptation que Maréchal, naïf
vieillard, avait cru opportun d’agrémenter d’une faveur rose.
    Les
premiers rayons du soleil éclairèrent l’appareil devenu comique qui gisait sur
le tapis, rutilant de tout le bois des îles dont il était fabriqué. Gersande
s’éveilla dans le prisme d’un éblouissement désagréable. La lumière en se
reflétant sur la jambe de bois l’aveuglait dans son sommeil frémissant. Son œil
doré s’ouvrit de force sur la vision de l’objet dont jusqu’ici elle n’avait pas
pris conscience qu’il existât.
    Elle
était enceinte de trois mois et elle vivait cet état dans une exaltation
excentrique qui parfois lui faisait perdre son contrôle.
    C’était
un dimanche, Palamède s’extirpait malaisément d’un rêve confus, lorsqu’il s’aperçut
que ce rêve, c’était Gersande qui en était la cause. Elle riait à gorge
déployée, révélant, sous le soleil impitoyable qui pénétrait jusqu’à la luette,
l’intérieur de sa bouche d’un beau rose, évocateur d’une intimité prometteuse.
    Le
spectacle était le plus charmant du monde et Palamède s’apprêtait, en dépit de
la grossesse avérée, à faire précautionneusement à sa femme une honnêteté
matinale.
    Alors il
s’aperçut que, hoquetant de rire, elle désignait d’un doigt péremptoire la
jambe artificielle gisant au tapis. Le prolongement des ombres portées qui
s’attachaient à cette prothèse parait celle-ci d’une sorte de halo phallique
qui soulevait l’hilarité de la marquise.
    En le
tournant en dérision, le rire plus que les larmes est capable de désenchanter
l’objet du désir. C’est une sorte de revanche du destin que le rire. Il
s’oppose au bonheur et à la tranquillité d’âme. L’homme ne peut rire que s’il
se considère à sa juste place dans l’univers et cela ne peut se produire qu’à
la faveur d’une profonde connaissance de soi-même et d’autrui.
    La
répulsion ne s’infiltra que très lentement, à la faveur de ce rire, dans l’âme
de Gersande. De son côté Palamède ne se rendit pas compte tout de suite de la
réticence amusée que la marquise opposait à ses agaceries.
    D’autant
qu’un événement important venait de se produire qui changeait tout dans la vie
du couple.
    Comme si
Dieu l’avait rappelé à Lui pour qu’il continuât à guider vers l’éternité la
véritable piété du grand roi dont il avait atténué les repentirs, l’archevêque
Toussaint de Gaussan rendit l’âme trois ans après son pupille.
    Le
système de Law battait son plein. Toute la noblesse de France s’y enrichissait
avec fureur. Pour le seul nom de Law évoqué, les bretteurs invétérés étaient
prêts à tirer l’épée et à ce jeu stupide l’archevêque n’avait pas dédaigné de
s’escrimer quelque peu.
    Seulement,
en homme avisé, dès qu’il avait estimé avoir doublé sa fortune, il s’était
retiré du jeu, convertissant tout son avoir en doublons d’Espagne car il
estimait la morne sévérité de ce pays plus solide que la souriante France du
Régent.
    Bref. Le
cardinal Pons de Gaussan, directeur de conscience du roi,

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