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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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attentivement. Il songeait que les six cent mille livres
seraient mieux employées à aider les pauvres de Mane jusqu’à ce qu’il n’y en
eût plus un seul. Il se dit aussi qu’il avait déjà construit pour eux un
hôtel-Dieu et qu’il pouvait peut-être songer un peu à lui.
    Édifier
un écrin autour de Gersande lui agréait fort. Si elle s’était enfin rendu
compte qu’il était unijambiste, il lui paraissait nécessaire, à défaut de son
amour, qu’elle commençât à l’admirer.
    Lui
dédier un château lui parut le plus sûr moyen d’obtenir d’elle ce sentiment.
    — Mais
où donc un château ? demanda-t-il.
    Pallio le
tira par la manche jusqu’au bord de la terrasse.
    — Vous
voyez, votre seigneurie, ce tertre là-bas en face, devant l’arbre que vous
admirez tant. Il y a une source qu’on a éventrée et qui a fait une mare. Nous
vous en ferons une pièce d’eau !
    Son
imagination avait imaginé un bassin opulent avant même de concevoir la
perspective du château.
    Palamède
était homme à saisir les gens par leur parole.
    — Soit !
dit-il. Va me chercher ton architecte !
    Pallio
fit son sac tout de suite, laissant son épouse éplorée mais toutefois suppliant
Palamède à genoux qu’il ne la laissât approcher par aucun homme, car elle était
d’un tempérament capable de dire oui avant même d’y avoir songé. Palamède
promit qu’il ferait ce qu’il pourrait dans ce sens.
    Pallio
passa par Aix en partant pour la Vénétie sur un cheval que le marquis lui avait
prêté ainsi que quelques subsides. L’architecte de génie était l’hôte d’un
certain monsieur de Clapiers pour lequel il venait de construire une
gentilhommière élégante sur les coteaux d’Aix ; celle-ci, pourvue de deux
girouettes et d’un toit à quatre pentes en tuiles de Brignoles disposées en
quinconce et bicolores, partageait sa grâce avec des pins parasols à la
florentine. Il avait prié monsieur de Clapiers de lui permettre d’être son
invité afin de ne pas quitter tout de suite ce chef-d’œuvre dont il se savait
le meilleur gré du monde.
    Cet
artiste s’appelait Chérubin de Saint-Jean-le-Baptiste. Un de ses ancêtres avait
été trouvé, avec une croix d’or nobiliaire suspendue au cou, sur le tour d’un
couvent d’observantines, et comme c’était la Saint-Jean d’été les bonnes sœurs
l’avaient affublé de ce vocable tout entier. Il avait abrégé le tout en
Saint-Jean pour ne pas encombrer l’esprit d’autrui.
    Ce
Saint-Jean avait déjà égayé la Provence par quelques riants châteaux copiés de
l’Italie d’heureuse rencontre. Présentement il était au piquet par ordre du
roi.
    C’était
une curieuse histoire. Ce Saint-Jean était bel homme. Il avait eu l’heur de
plaire à deux hautes dames de la Cour : madame de Sabran et madame de
Simiane. La rivalité entre ces duchesses était allée jusqu’aux insultes. Madame
de Sabran avait répandu partout à Versailles que madame de Simiane avait le cul
en goutte d’huile. À quoi celle-ci fit savoir qu’elle se promènerait nue sous
son vertugadin et à soleil couchant sur les berges du grand canal au vu et au
su de toute la Cour afin que chacun pût s’assurer que « cette salope de
Sabran » (ce furent ses propres termes) en avait menti, et qu’au surplus
elle mettait celle-ci au défi d’en faire autant. Défi que celle-ci releva
aussitôt. De sorte que toute la Cour, à soleil frisant, put observer à travers
la soie transparente des vertugadins que les deux dames en avaient également
menti. La cabale se grossit des amants anciens des duchesses jusqu’à devenir
affaire de cour.
    Le
Régent, qui ne voulait pas que par le contenu de quelque chaton de bague, comme
il avait été souvent avéré parmi les règnes précédents, sa bien-aimée du moment
ne fut meurtrie, le Régent donc conseilla paternellement au dit Saint-Jean
d’aller se reposer au soleil de Provence et qu’il lui ferait savoir quand il
pourrait revenir.
    Il se
rongeait les ongles notre Chérubin en sa pénitence d’Aix, lorsque le Vénitien
vint chapeau bas lui parler des Pons de Gaussan et de leur fortune.
    Il refusa
tout d’abord. Il n’aimait que les parcs verdoyants et les courtils obscurs.
Toutes ses constructions étaient filles du mystère et leurs habitants ensuite
devaient se conformer à ce sentiment informe. La Provence sèche ne lui
paraissait pas convenir à son génie. Mais Pallio était vénitien, les détours

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