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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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écrasement, la forme d’un crâne humain était aplatie. À
côté de cette dépression, éclatées, illisibles par la croissance de l’arbre
autour de ce témoignage, deux initiales avaient été gravées.
    À cet
instant de son observation, les deux juments qui tiraient la désobligeante se
mirent à hennir de concert. Maître Chalgrin s’aperçut qu’elles étaient en nage.
Il remonta précipitamment sur le véhicule et le fit sortir de l’ombre. Tournant
bride, il vit au loin la maison du marquis. Il estima qu’il avait suffisamment
salué l’arbre de la part du cardinal. Il avait été désagréablement surpris par
le silence qui régnait autour de ce chêne gigantesque et dont son pragmatisme
flegmatique d’homme de loi lui interdisait de comprendre qu’il était surnaturel
puisque le chant du rossignol ne le troublait pas.
    Il
relança son attelage pensivement. Au loin, l’élégante maison basse du marquis
rutilait au soleil. Des pigeons volaient alentour et le bonheur du lieu était
chose palpable.
    La
désobligeante fut accueillie par la plus charmante des musiques sur l’esplanade
de Montlouis. C’étaient les maçons vénitiens qui s’offraient en sextuor, avec
leurs femmes, Le Combat de Tancrède et de Clorinde de Monteverdi. Ils
avaient appris cela à Venise du temps de leur enfance où le Mantouan était vénéré.
Le marquis gardait ces couples et leurs enfants qui agrémentaient la vie de
Gersande comme les pigeons des deux tours. Au surplus, ils servaient de
jardiniers et de vignerons, car les pampres d’un vignoble florissant avaient
ici leur place.
    C’était
l’heure de la sieste. Allongé sur une méridienne, Palamède célébrait le salut
au soleil de sa terre bas-alpine. Maître Chalgrin s’abîma devant lui en une
révérence ridicule avec sa toque qui s’efforçait vainement de balayer le sol
comme un chapeau de cour.
    — Monsieur,
dit-il, je suis maître Chalgrin, notaire rue de la Grange-aux-Loups à Paris, et
je vous apporte une mauvaise et une bonne nouvelle : votre oncle le
cardinal n’est plus et il vous fait son légataire universel !
    Palamède
ne broncha pas. Il songea aussitôt à sa dernière conversation avec Toussaint de
Gaussan dans les allées de Versailles. Il se leva lentement de sa méridienne.
    — Venez,
monsieur, dit-il, vous devez avoir force faim et soif. Je vais vous faire
donner à manger.
    Il
précéda son hôte dans la fraîche maison où régnait la pénombre. Des cris joyeux
d’enfants parcouraient l’escalier où montait et descendait une fillette
turbulente qui s’efforçait à suivre de sa voix aiguë les Vénitiens qui ne
s’étaient pas interrompus de mimer leur opéra.
    La
marquise reposait sa grossesse en sa chambre. La maison respirait les
confitures dont c’était la saison. Le marquis sans façon ouvrit la resserre et
en tira un demi-poulet froid qu’il plaça sur une assiette baroque des frères
Clérissy de Moustiers, une demi-miche de pain et une bouteille de vin de sa
cave qui provenait des coteaux Saint-Michel à Reillanne. Ces vignes étaient
plantées en pleine grave et faisaient la réputation de l’endroit.
    — Tenez,
mon brave, sustentez-vous, dit le marquis. Ainsi donc mon oncle est mort. Au
moins n’a-t-il pas souffert ?
    — Du
tout, dit le tabellion. Il est mort après avoir reçu la visite et avoir béni le
petit roi. Le Régent le lui a amené en honneur et il paraît que lui-même en
pleurait.
    Tout en
parlant, le notaire tirait le testament de son sac à procès et le déroulait
avec solennité après en avoir rompu les sceaux. Il allait en lire le contenu.
    — Laissez !
dit Palamède. Ce qu’il contient, mon oncle m’en a fait part de son vivant.
    — Sans
doute, mais vous a-t-il dit qu’il s’agissait de six cent mille livres
tournoi ?
    — Cela
ne me rendra pas ma jambe, soupira Palamède. Mais l’avez-vous vu avant sa
mort ? En plus du testament, ne vous a-t-il pas chargé de quelque message
pour moi ?
    — Si
fait ! Mais c’est tellement ridicule que j’hésite à vous le rapporter.
    — Que
vous a-t-il dit ?
    — Il
m’a dit : « Vous ne manquerez pas d’aller saluer mon arbre de ma
part. »
    — Et
l’avez-vous fait ?
    — Avant
même de venir ici, votre seigneurie. J’avais grande peur de ne pas respecter la
volonté d’un mourant.
    — Fort
bien ! Mais comment l’avez-vous trouvé ?
    — Son
Éminence le cardinal m’avait fait un croquis.
    — Je
ne

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