Complots et cabales
bien-aimé souverain.
Chose étrange, la dispute n'était pas notre fait mais celui du duc. Et il peut paraître extravagant qu'un si petit chat ait osé taquiner si souvent les moustaches d'un tigre. La cause de cette confrontation est Gaston, frère du roi, qui chaque fois qu'il veut affronter son frère - pour de multiples raisons et souvent sans raison du tout - secoue la poussière de ses bottes sur la France, franchit nos frontières et se réfugie en Lorraine o˘ il trouve bon gîte, accueil amical et allié indéfectible.
Charles IV va même, on l'a vu, jusqu'à lever pour lui une petite armée qui e˚t d˚ lui permettre, avec l'aide de Montmorency, de vaincre le roi de France... Mieux même, il lui donne pour épouse sa propre sueur Marguerite, mariage célébré en secret sans consulter le roi de France : affront qui, lorsqu'on le connut, nous laissa tous pantois.
Cette politique de Charles IV paraît follement aventurée, et elle l'est dans une large mesure, mais elle a cependant sa logique. Les vicissitudes de l'Histoire ont voulu que le duché du duc ne soit qu'en partie à lui, la France y occupant des
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cités riches et importantes, lesquelles Louis n'a aucunement le désir de restituer car elles fortifient grandement la défense de ses armées contre une éventuelle attaque lancée contre la France par les Impériaux.
Les villes que Louis détient en Lorraine lui apparaissent comme autant de bastions bien remparés pour arrêter et retarder une invasion venue de l'est. Et dès lors, la restitution de ces villes ne sera jamais accordée par le roi de France. Bien accueillir Gaston quand, affrontant Louis il quitte le royaume, peut apparaître comme une politique avisée. Car le roi de France étant sans dauphin, Gaston est son héritier présomptif, et la santé de Louis paraissant si précaire, le duc pouvait espérer que Gaston, bientôt le remplaçant, serait plus accommodant pour son beau-frère quant à
la restitution à la Lorraine des villes qu'y occupe le roi de France.
D'un autre côté, Louis ne peut laisser sans réponse les écornes répétées du duc de Lorraine à son endroit et en particulier la dernière et la plus déplaisante : l'armée donnée à Gaston pour combattre son frère, les armes à
la main.
C'est donc avec une armée que Louis entra en Lorraine après l'affaire de Castelnaudary, mais non point pour l'occuper et s'y établir. Le voisin de l'est n'e˚t pas souffert de voir la France s'agrandir si près de sa frontière. Il s'agissait, sur le moment, de demander des comptes à Charles IV, lequel n'ayant pas de parole, ne croit pas à celle de Louis, et craignant que le roi le veuille arrêter, lui envoie son frère le cardinal de Lorraine, lequel a été fait cardinal sans avoir été reçu prêtre. Or, ledit cardinal est plus que souple. Il glisse comme une anguille dans les doigts les plus fermes. Le oui et le non, en lui, se confondent. Il récuse le lendemain ce qu'il a accepté la veille. Et dans notre présent prédicament, il est prêt à présenter des regrets pour l'aide armée apportée àGaston pour combattre Louis. Mais il refuse à plus l'aider dans ses entreprises, car une telle promesse serait, dit-il, porter atteinte à la souveraineté du duc de Lorraine. Toutefois, il ne rompt pas les ponts. Au fur et à mesure que
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l'armée du roi pénètre en Lorraine, le cardinal multiplie certes les rencontres, mais toujours sans la moindre volonté d'aboutir.
Le lecteur se ramentoit sans doute que le duc de Savoie usa de la même temporisation à l'égard de Louis : pas plus qu'au Savoyard, la tactique ne profita au Lorrain. Le roi, sans se dérober pour autant aux entretiens avec le cardinal de Lorraine qui en ces tractations représentait son frère, s'avança jusqu'au coeur du duché, ne s'arrêtant que pour sommer et soumettre les villes petites et grandes sur son chemin. Ainsi tombèrent en son escarcelle Pont-à-Mousson, Lunéville, et La Neuville. Il y reçut derechef le cardinal de Lorraine et derechef sans tirer de lui la moindre concession
Louis mit alors le siège devant Nancy, et la ville de Charmes tomba dans les mains du comte de La Suze. Alors se déroula une nouvelle entrevue, au cours de laquelle le cardinal signa enfin le traité de paix. Mais le lendemain, l'anguille glissa de nouveau hors nos mains, le duc reprit sa parole et le roi, sans quitter le siège de Nancy, soumit alors Charmes, …
pinal et Méricourt. Bien que le duc
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