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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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grimaçant tandis qu’on l’attachait,
me donnes-tu ta parole qu’il ne sera fait aucun mal à ma femme et à ma famille ?
    — Oui, je te le promets.
    — Et remettras-tu nos corps à nos familles pour que
nous ayons des funérailles ?
    — Oui, je le ferai.
    (Marc Antoine assurera par la suite que Cicéron avait refusé
cette dernière requête, ce qui est encore un de ses innombrables mensonges.)
    — Ce n’était pas censé être mon destin. Les augures étaient très clairs.
    — Tu t’es laissé suborner par des gens néfastes.
    Quelques instants plus tard, Sura fut entravé et regarda autour
de lui.
    — Je meurs en aristocrate romain ! cria-t-il dans
une attitude de défi. Et en patriote !
    C’en fut trop pour Cicéron.
    — Non, dit-il brièvement en adressant un signe de tête
au carnifex, tu meurs en traître.
    Sur ces mots, Sura fut entraîné vers le grand trou noir qui
occupait le centre de la pièce et qui était le seul accès à la salle d’exécution,
sous nos pieds. Deux hommes robustes le firent descendre dans ce trou, et j’eus
une dernière vision de son beau visage effaré et hébété dans la lumière des
torches. Puis d’autres mains puissantes durent le réceptionner car il disparut
brusquement. Le corps prostré de Statilius fut descendu juste après Sura ;
vint ensuite rapidement le tour de Capito, qui tremblait tant que ses dents s’entrechoquaient,
puis de Caeparius, comme évanoui de terreur ; et enfin de Cethegus, qui
hurla, sanglota et se débattit tant que deux hommes durent le faire asseoir
pendant qu’un troisième lui attachait les jambes – ils finirent par
le pousser tête la première dans le trou, et il atterrit avec un bruit sourd.
Puis on n’entendit plus rien sinon quelques bruits de lutte, mais ceux-ci ne
tardèrent pas à cesser, eux aussi. J’appris par la suite qu’ils avaient été pendus
les uns après les autres à des crochets fixés au plafond. Au bout de ce qui
parut une éternité, le carnifex cria que le travail était terminé, et Cicéron s’approcha
à contrecœur du trou pour regarder en bas. On passa une torche au-dessus des
victimes. Les cinq hommes étranglés gisaient les uns à côté des autres, levant
vers nous leurs yeux aveugles exorbités. Je n’éprouvai aucune pitié : je
pensais au corps mutilé du garçon qu’ils avaient sacrifié pour sceller leur
pacte. Caton avait raison, me dis-je. Ils avaient mérité de mourir. Et c’est
encore ce que je pense aujourd’hui.
    Une fois qu’il se fut assuré de la mort des conjurés,
Cicéron eut hâte de sortir de cette « antichambre de l’enfer », comme
il l’appela lui-même par la suite. Nous nous engouffrâmes à nouveau dans l’étroit
tunnel d’accès avant d’émerger dans l’air glacé de la nuit – découvrant
alors un spectacle des plus inattendus. Dans l’obscurité, le forum tout entier
était éclairé par des torches formant un immense tapis de petites lueurs jaunes
et vacillantes. À perte de vue, la foule attendait, immobile et silencieuse,
bordée par l’assemblée des sénateurs, tout juste sortis du temple de la
Concorde, juste à côté de la prison. Tous les regards étaient tournés vers
Cicéron. De toute évidence, il lui fallait annoncer ce qui venait de se passer
bien qu’il n’eût pas la moindre idée de ce que serait la réaction générale. De
plus, il se trouvait confronté à une autre difficulté qui montrait bien le
caractère sans précédent des événements : la superstition voulait à l’époque
qu’un magistrat ne prononce jamais le mot « mort » dans le forum, de
crainte qu’il ne porte malheur à la cité. Cicéron réfléchit donc un instant, s’éclaircit
la gorge pour éliminer les miasmes accumulés dans le carcer , rejeta les
épaules en arrière et clama d’une voix forte :
    —  Ils ont vécu !
    Sa voix se répercuta contre les édifices et fut suivie d’un
silence si profond que je craignis une hostilité soudaine et grégaire, et que
nous ne fussions les prochains à être exécutés. Mais sans doute les gens
cherchaient-ils simplement à comprendre les propos de Cicéron. Quelques
sénateurs commencèrent à applaudir. D’autres se joignirent à eux et les
applaudissements se muèrent en acclamations. Pour peu à peu, se répandre dans
la multitude. « Vive Cicéron ! » crièrent-ils. « Vive
Cicéron ! », « Loués soient les dieux de nous avoir donné
Cicéron ! »
    Me tenant

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