Conspirata
et annonça qu’il souffrait d’une
crise de goutte. Contre toute attente, Catilina se retrouva donc face à l’un
des commandants les plus efficaces de l’armée romaine, qui était de surcroît à
la tête de troupes beaucoup plus importantes et mieux armées que les siennes.
Au matin de la bataille, Catilina s’adressa à ses soldats,
dont beaucoup n’avaient pour armes que des fourches et des lances, dans les
termes suivants :
— Soldats, nous luttons pour notre patrie, notre liberté
et notre vie alors que nos adversaires combattent pour maintenir une oligarchie
corrompue. Ils seront peut-être plus forts par le nombre, mais nous le sommes
par l’audace, et nous vaincrons. Mais enfin, si la fortune nous tourne le dos,
veillez à ne pas vous laisser prendre et massacrer comme du bétail. Battez-vous
en hommes et assurez-vous de ne laisser à vos ennemis qu’une victoire sanglante
et endeuillée par les larmes.
Puis les trompettes sonnèrent et les premières lignes
avancèrent l’une vers l’autre.
Ce fut un carnage épouvantable, et Catilina fut toute la
journée au cœur de la mêlée. Pas un seul de ses lieutenants ne se rendit. Ils
combattirent avec l’abandon féroce de ceux qui n’ont rien à perdre. Il fallut
attendre que Petreius envoie une cohorte prétorienne d’élite pour que l’armée
rebelle finisse par tomber. Tous les partisans de Catilina, y compris Manlius,
moururent où ils combattaient. On constata après la bataille qu’ils avaient
tous été blessés par-devant et ne portaient aucune blessure au dos. À la nuit
tombée, après la fin des affrontements, Catilina fut retrouvé loin à l’intérieur
des lignes adverses, entouré par les cadavres des ennemis qu’il avait taillés
en pièces. Il respirait encore tout juste mais ne tarda pas à succomber à de
terribles blessures. Sur les instructions d’Hybrida, sa tête fut envoyée à Rome
dans un tonneau de glace et présentée au sénat. Toutefois, Cicéron, qui avait
quitté le consulat quelques jours plus tôt, refusa de la regarder, et ainsi se
termina la conjuration de Lucius Sergius Catilina.
DEUXIÈME PARTIE PATER PATRIAE
62-58 av. J.-C.
Nam
Catonem nostrum non tu amas plus quam ego ;
sed
tamen ille optimo animo utens
et
summa fide nocet interdum rei publicae ;
dicit
enim tamquam in Platonis politeia,
non
tamquam in Romuli faece, sententiam.
« Certes je n’ai pas moins d’amitié que toi pour
Caton,
mais, avec ses excellentes intentions, sa loyauté
imperturbable,
il gâte souvent les affaires. Il s’exprime au sénat
comme s’il vivait dans la République de Platon,
et non dans le cloaque de Romulus. »
Cicéron, lettre à
Atticus,
3 juin, 60 av. J.-C.
XII
Durant les premières semaines qui suivirent la fin de son
consulat, tout le monde voulut entendre comment Cicéron avait déjoué la
conjuration de Catilina. Il n’y avait pas une table chic à Rome qui ne lui fût
ouverte. Il sortait beaucoup ; la solitude lui pesait affreusement.
Souvent, je l’accompagnais, me tenant avec d’autres membres de sa suite
derrière son lit de repas tandis qu’il abreuvait les convives d’extraits de ses
discours, ou du récit de ses manœuvres pour échapper à l’assassinat le jour des
élections sur le Champ de Mars ou encore du piège qu’il avait tendu à Lentulus
Sura sur le pont Mulvius. Il illustrait ses propos en déplaçant assiettes et
coupes, comme Pompée lorsqu’il décrivait d’anciennes batailles. Si quelqu’un l’interrompait
ou cherchait à introduire un autre sujet de conversation, il attendait le
premier silence, foudroyait l’importun du regard et reprenait le fil de son
récit : « Comme je le disais … » Le matin, les plus
illustres parmi les grandes familles se pressaient à ses salutations, et il
leur montrait l’endroit exact où Catilina s’était tenu lorsqu’il lui avait
proposé d’être son prisonnier, ou les meubles dont nous nous étions servis pour
barricader la porte quand les conjurés avaient assiégé la maison. Au sénat,
chaque fois qu’il se levait pour parler, un silence respectueux tombait sur l’assemblée,
et il ne manquait pas une occasion de leur rappeler que, s’ils se trouvaient
réunis là, c’était uniquement parce qu’il avait sauvé la république. Bref, il
devint – et qui aurait cru que l’on pourrait un jour dire cela de
Cicéron – un vrai casse-pieds.
Il aurait bien mieux valu pour lui qu’il
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