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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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parvins à saisir que
les bruits de la vaisselle qu’on débarrassait dans la salle à manger. Rufus
finit par éclater de rire :
    — Alors c’est pour ça que César est toujours en avance
sur ses ennemis ! Il a des espions dans tous vos lits !
    — Tais-toi, Rufus, dit Quintus.
    — Maudit César ! s’écria soudain Cicéron. Il n’y a
rien de déshonorant à être ambitieux. Moi-même, je suis ambitieux. Mais quand
on plonge le regard dans le sien, c’est comme si on contemplait une mer sombre
au cœur d’une tempête !
    Il se laissa tomber dans son fauteuil et se mit à
tambouriner du bout des doigts contre les accoudoirs.
    — Je ne crois pas que j’aie le choix. Au moins, si j’accepte
ses conditions, ça me permettra de gagner du temps. Ils ont échafaudé leur
satané projet de loi depuis des mois.
    — Et puis, qu’y a-t-il de mal dans le fait de donner
des fermes aux pauvres ? demanda Rufus qui, comme beaucoup de jeunes,
avait des sympathies populistes. Tu es sorti dans la rue. Tu as vu comment ça
se passe en hiver. Les gens meurent de faim.
    — Je suis d’accord, dit Cicéron. Cependant, c’est à
manger qu’ils veulent, pas des fermes. Le travail de la ferme exige des années
d’apprentissage et est éreintant. J’aimerais bien voir les fainéants que j’ai
croisés devant chez César aujourd’hui travailler aux champs du matin au soir !
Si nous devions compter sur eux pour nous nourrir, nous serions tous morts de
faim en un an.
    — Au moins, César s’intéresse-t-il à eux…
    — Il s’intéresse à eux ? répéta Cicéron en
reportant tout son énervement sur son jeune ami. César ne s’intéresse à
personne d’autre qu’à lui-même ! Tu crois vraiment que Crassus, l’homme le
plus riche de Rome, se soucie des pauvres ? Ils veulent distribuer les
terres publiques – sans que cela leur coûte quoi que ce soit d’ailleurs – pour
créer une armée de partisans si énorme qu’elle les maintiendra pour toujours au
pouvoir. Crassus vise l’Égypte. Les dieux seuls savent ce que veut César – le
monde, probablement. Il s’intéresse à eux ! Vraiment, Rufus, tu dis
parfois de grosses bêtises. Tu n’as donc rien appris d’autre que le jeu et la
débauche depuis ton arrivée à Rome ?
    Je ne crois pas que Cicéron ait voulu se montrer aussi dur,
mais je peux vous assurer que ses paroles heurtèrent Rufus comme une gifle.
Lorsqu’il se détourna, ses yeux brillaient de larmes contenues – pas
seulement des larmes de honte, mais aussi de colère, car le charmant adolescent
dilettante que Cicéron avait pris comme élève s’était mué en un jeune homme de
plus en plus ambitieux, changement que Cicéron n’avait pas remarqué. Bien que
la discussion durât encore un moment, Rufus se garda d’y prendre part à
nouveau.
    — Tiron, me demanda Atticus, tu étais chez César. D’après
toi, qu’est-ce que ton maître devrait faire ?
    Comme on me demandait invariablement mon opinion lors de ces
conseils restreints, j’attendais cet instant et m’efforçais toujours d’avoir
une réponse toute prête.
    — Je pense, répondis-je, qu’en acceptant la proposition
de César, il serait peut-être envisageable d’obtenir certaines concessions sur
leur programme. Il deviendrait alors possible de présenter aux patriciens
celles-ci comme une victoire.
    — De cette façon, hasarda Cicéron, s’ils refusent de
les accepter, ils seront de toute évidence les seuls à blâmer et je serai
libéré de mes obligations. Ce n’est pas une mauvaise idée.
    — Bravo, Tiron ! s’exclama Quintus. Tu es toujours
le plus sage d’entre nous.
    Il bâilla avec ostentation.
    — Allons, mon frère, reprit-il en se baissant pour
aider Cicéron à se relever. Il se fait tard et tu as un discours à prononcer
demain. Il faut que tu dormes un peu.
    Quand nous traversâmes la maison pour gagner le vestibule,
le silence avait envahi les lieux. Terentia et Tullia étaient allées se
coucher. Servius et sa femme étaient rentrés chez eux.
    Pomponia, qui détestait la politique, avait refusé d’attendre
son époux et, d’après le portier, était partie avec eux. La voiture d’Atticus
attendait dehors. La neige luisait au clair de lune. Le cri familier du
veilleur de nuit retentit quelque part dans la ville, annonçant minuit.
    — Une nouvelle année, déclara Quintus.
    — Et un nouveau consul, ajouta Atticus. Bravo, mon cher
ami. Nous sommes fiers de

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