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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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voudrais que tu
saches que si jamais tu te retrouvais personnellement menacé, tu pourras
toujours compter sur ma protection.
    —  Je pourrais compter sur ta protection ?
    J’avais rarement vu Cicéron à court de mots. Mais en cette
journée glacée, dans cette petite maison décrépite au milieu de ce voisinage
miteux, je le vis se débattre pour trouver les termes qui exprimeraient de
façon adéquate ce qu’il ressentait. Il finit par y renoncer. Couvrant ses
épaules de son manteau, il sortit dans la neige et, sous le regard menaçant des
brutes qui traînaient encore dans la rue, il salua sèchement César.
     
    —  Moi , je pourrais compter sur sa protection ? répéta Cicéron tandis que nous remontions la côte d’un pas
lourd. Pour qui se prend-il pour me parler de cette façon ?
    — Il est très sûr de lui, hasardai-je.
    — Sûr de lui ? Il me traite comme si j’étais son
client !
    Le jour touchait à sa fin, et avec lui l’année, s’effaçant
rapidement comme souvent les après-midi d’hiver. Les lampes étaient allumées
aux fenêtres des habitations. Les gens s’interpellaient par-dessus nos têtes.
Il y avait beaucoup de fumée et je pouvais sentir des odeurs de cuisine. Au
coin des rues, des croyants avaient disposé sur des assiettes de petits gâteaux
au miel en guise d’offrandes de nouvel an aux dieux du voisinage, car en ce temps-là,
on vénérait davantage les esprits des carrefours que le grand dieu Auguste. Les
oiseaux affamés qui les picoraient s’envolaient à notre passage et voletaient
un instant pour se reposer juste derrière nous.
    — Veux-tu que j’envoie un message à Catulus et aux
autres ? demandai-je.
    — Pour leur dire quoi ? Que César est décidé à
épargner Rabirius, à la condition que je les trahisse derrière leur dos et que
j’étudie sa proposition ?
    Il marchait devant. Son irritation lui donnait des forces,
et j’avais peine à ne pas me laisser distancer.
    — J’ai remarqué, continua-t-il, que tu ne notais pas ce
qu’il disait.
    — Cela ne m’a pas paru opportun.
    — Tu dois toujours prendre des notes. Dorénavant, tout
doit être consigné par écrit.
    — Oui, sénateur.
    — Nous pénétrons dans des eaux dangereuses, Tiron. Le
moindre récif, le moindre courant doit être porté sur la carte.
    — Oui, sénateur.
    — Tu as gardé la conversation en mémoire ?
    — Je crois, répondis-je. La majeure partie.
    — Bien. Écris tout cela dès que nous serons rentrés. Je
veux en avoir une trace. Mais ne parle de cette affaire à personne – et
surtout pas devant Postumia.
    — Tu crois qu’elle viendra quand même dîner ?
questionnai-je, surpris.
    — Oh oui, elle viendra, ne serait-ce que pour faire son
rapport à son amant. Cette femme n’a pas de pudeur. Pauvre Servius. Il est
tellement fier d’elle.
    Dès que nous fûmes rentrés, Cicéron monta se changer pendant
que je me retirais dans ma petite chambre pour écrire tout ce dont je pouvais
me souvenir. J’ai encore ce rouleau avec moi pour rédiger ces mémoires :
Cicéron l’a conservé parmi ses archives secrètes. L’âge a décoloré le parchemin
et l’a rendu friable, comme moi. Comme moi aussi, il est encore compréhensible,
tout juste, et quand je l’approche de mes yeux, j’entends encore la voix rauque
de César résonner dans mon oreille : «  Tu pourras toujours compter
sur ma protection … »
    Il me fallut plus d’une heure pour retranscrire le tout. Les
invités de Cicéron avaient eu le temps d’arriver et de commencer à dîner.
Lorsque j’eus terminé, je me couchai sur mon lit étroit et repensai à tout ce
dont j’avais été témoin. J’admets sans peine que j’étais inquiet, car la Nature
ne m’a pas doté du sang-froid nécessaire à la gestion des affaires publiques. J’aurais
été heureux de rester dans le domaine familial, et mon rêve a toujours été d’avoir
une petite ferme à moi, où je pourrais me retirer pour écrire. J’avais un peu d’argent
de côté et l’espoir secret que Cicéron m’affranchirait lorsqu’il aurait obtenu
le consulat. Mais les mois avaient passé et il n’en avait pas fait mention. À plus
de quarante ans, je commençais à craindre de mourir esclave. La dernière nuit
de l’année est souvent propice à la mélancolie. Janus regarde à la fois devant
et derrière, et il arrive que les deux perspectives soient aussi peu attirantes
l’une que l’autre. Mais ce

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