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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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attaqué l’infanterie par l’arrière ?
    — C’est vrai.
    — Et il n’y a rien que tu pouvais faire ?
    — J’ai bien peur que non.
    Hybrida baissa la tête et s’essuya les yeux, comme Cicéron
le lui avait indiqué.
    — Tu dois avoir perdu beaucoup de camarades et d’amis
entre les mains de ces barbares ?
    — Oui, beaucoup.
    Après une longue pause durant laquelle le silence fut absolu
dans le tribunal, Cicéron se tourna vers le jury.
    — Romains, les aléas de la guerre peuvent se révéler
cruels et capricieux. Mais cela n’a rien à voir avec de la trahison.
    Lorsqu’il alla se rasseoir, il y eut des applaudissements
nourris, non seulement dans la foule, mais de la part du jury lui-même, et,
pour la première fois, je me laissai aller à espérer que le savoir-faire de
Cicéron en tant qu’avocat allait une fois encore sauver la situation. Rufus
sourit et prit une gorgée de vin coupé d’eau avant de se lever. Il avait, tel
un athlète, l’habitude de détendre les épaules en liant ses mains derrière sa
nuque pour faire pivoter la partie supérieure de son torse d’un côté puis de l’autre.
En le voyant faire ce mouvement juste avant de procéder à l’interrogatoire, j’eus
l’impression que les années se dissolvaient soudain et me rappelai quand
Cicéron l’envoyait faire des courses en ville ou le taquinait sur ses vêtements
trop lâches et ses cheveux trop longs. Je repensai à ce sale gosse qui me
dérobait de l’argent et passait la nuit dehors à boire et à jouer, et au fait
qu’on n’arrivait jamais à se fâcher très longtemps contre lui. Sur quels
chemins tortueux l’ambition avait-elle poussé chacun d’entre nous pour nous
amener ici ?
    Rufus s’approcha du témoin d’un pas nonchalant. Il semblait
parfaitement détendu. Il aurait tout aussi bien pu aborder un ami dans une
taverne.
    — As-tu bonne mémoire, Antonius Hybrida ?
    — Oui.
    — Fort bien. Je suppose alors que tu te rappelles ton
esclave qui a été assassiné à la veille de ton consulat ?
    Une expression de grande perplexité passa sur le visage d’Hybrida,
qui jeta un coup d’œil interrogateur à Cicéron.
    — Je ne suis pas sûr. Il y a tant d’esclaves qui vont
et viennent…
    — Mais tu te rappelles sûrement cet esclave-là ?
insista Rufus. Smyrniote ? Une douzaine d’années ? On a jeté son
corps dans le Tibre. Cicéron était là quand on a retrouvé sa dépouille. On lui
avait tranché la gorge et on l’avait éviscéré.
    Un cri d’horreur parcourut le tribunal et j’eus soudain la
bouche sèche, non seulement en repensant à ce pauvre gosse, mais aussi en
comprenant où cette suite de questions pouvait conduire. Cicéron le comprit
aussi. Il bondit au secours de son client.
    — Cela est totalement hors de propos, n’est-ce pas ?
La mort d’un esclave remontant à plus de quatre ans n’a aucun rapport avec une
bataille perdue sur les bords de la mer Noire.
    — Que l’accusation pose sa question, décréta Clodianus,
qui ajouta sentencieusement : L’expérience m’a montré que toutes sortes de
choses peuvent être liées.
    — Je crois en effet me souvenir de quelque chose de ce
genre, répondit Hybrida sans cesser de jeter des coups d’œil désespérés vers
Cicéron.
    — Je l’espère bien, répliqua Rufus. Ce n’est pas tous
les jours qu’on procède devant nous à un sacrifice humain ! Même pour toi,
malgré toutes tes abominations, j’aurais cru que c’était exceptionnel !
    — Je n’ai jamais entendu parler de sacrifice humain,
marmonna Hybrida.
    — C’est Catilina qui s’est chargé de l’exécution, puis
il a exigé de toi et de toutes les autres personnes présentes que vous prêtiez
serment.
    — Vraiment ? dit Hybrida en plissant tout le
visage comme s’il cherchait à retrouver le nom d’une relation depuis longtemps
oubliée. Non, je ne crois pas. Non, tu te trompes.
    — Si, absolument. Tu as prêté serment sur le sang de
cet enfant sacrifié d’assassiner ton propre collègue au consulat – l’homme
qui t’assiste en ce moment même comme avocat !
    Ces paroles soulevèrent un nouveau tollé et, lorsque les
cris se furent tus, Cicéron se leva.
    — C’est vraiment dommage, dit-il en secouant la tête,
comme à regret, très dommage, parce que mon jeune ami se débrouillait très bien
dans son accusation jusqu’à présent – comme il a été autrefois mon
élève, je me flatte tout autant

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