Conspirata
brusquement
Hybrida en se redressant. Je vais témoigner.
— Tu es certain que tu es en état ? Ce genre d’interrogatoire
pourrait se révéler assez brutal.
— Tu as entrepris de me défendre, répondit Hybrida,
retrouvant enfin un peu de son courage d’antan, alors je veux me battre pour me
défendre, même si je dois perdre.
— Très bien, commenta Cicéron en faisant de son mieux
pour dissimuler sa déception. Dans ce cas, nous devons préparer ton témoignage,
et cela va nous prendre un moment. Tiron, tu ferais mieux d’aller chercher du
vin pour le sénateur.
— Non, décréta fermement Hybrida. Pas de vin ce soir. J’ai
passé toute ma carrière ivre, au moins la terminerai-je sobre.
Nous travaillâmes donc tard à répéter les questions que
Cicéron lui poserait et les réponses qu’Hybrida devrait donner. Cicéron joua
ensuite le rôle de Rufus et posa à son ancien collègue les questions les plus
déplaisantes qui lui venaient à l’esprit, l’aidant à concevoir les réponses les
moins compromettantes. Je fus surpris de constater qu’Hybrida pouvait avoir l’esprit
très vif quand il le voulait. Les deux hommes se couchèrent à minuit – Hybrida
dormit sous le toit de Cicéron – et se levèrent à l’aube pour
reprendre leur entraînement. Plus tard, alors que nous nous rendions au
tribunal derrière Hybrida et sa suite, Cicéron me glissa :
— Je commence à comprendre comment il a pu s’élever si
haut au départ. Si seulement il avait pu se ressaisir plus tôt, il ne serait pas
aussi près de la ruine à présent.
Lorsque nous arrivâmes au comitium , Hybrida lança
joyeusement :
— Ça me rappelle l’époque de notre consulat, Cicéron,
quand nous nous serrions les coudes pour sauver la république !
Les deux hommes montèrent alors sur l’estrade où la cour les
attendait, et quand Cicéron annonça qu’il appelait Hybrida à témoigner, un
mouvement d’excitation parcourut le jury. Je vis Rufus s’avancer sur son siège
et chuchoter quelque chose à l’oreille de son secrétaire, qui se munit alors de
son style.
Hybrida prêta serment rapidement, et Cicéron lui posa les
questions qu’ils avaient préparées. Il commença par l’interroger sur sa
carrière militaire sous Sylla, un quart de siècle plus tôt, et insista
principalement sur sa loyauté envers l’État au moment de la conspiration de
Catilina.
— Tu as mis de côté toute considération d’amitié
passée, n’est-ce pas, demanda Cicéron, pour prendre le commandement des légions
du sénat et finir par écraser le traître ?
— Absolument.
— Et tu as fait parvenir la tête du monstre au sénat
pour attester de ta victoire ?
— Oui.
— Écoutez bien, citoyens, dit Cicéron en s’adressant au
jury. Est-ce là l’acte d’un traître ? Le jeune Rufus ici présent a soutenu
Catilina – qu’il ose le nier – et a fui Rome pour éviter d’avoir
à partager son sort. Et pourtant, il a aujourd’hui l’outrecuidance de revenir
subrepticement dans la cité et d’accuser de trahison celui-là même qui nous a
sauvés du désastre !
Il se retourna vers Hybrida.
— Après avoir vaincu Catilina, tu m’as déchargé du
fardeau d’avoir à gouverner la Macédoine afin que je puisse me consacrer à
finir d’éteindre les dernières braises de la conspiration, c’est bien cela ?
— Tout à fait.
L’interrogatoire se poursuivit ainsi, Cicéron conduisant son
client tout au long de son témoignage, tel un père conduit son enfant par la
main. Il lui fit décrire comment il avait tiré des recettes de la Macédoine par
des moyens parfaitement légaux, justifiés jusqu’au moindre sou, levé et équipé
deux légions qu’il avait menées dans une expédition périlleuse à l’est, dans
les montagnes de la mer Noire. Il dressa un tableau terrifiant de tribus
guerrières – Gètes, Bastarnes, Histriens – harcelant les
colonnes romaines qui suivaient la vallée du Danube.
— La partie plaignante prétend que lorsque tu as appris
qu’il y avait une grande armée ennemie devant, tu as séparé tes forces en deux
et emmené la cavalerie se mettre en sûreté avec toi pendant que tu laissais l’infanterie
sans défense. Est-ce vrai ?
— Pas du tout.
— Tu poursuivais en réalité l’armée histrienne, c’est
bien cela ?
— C’est exact.
— Et pendant que tu étais entraîné au loin, l’armée
bastarne a franchi le Danube et
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