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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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sommes cependant menacés par aucun danger extérieur. Nous
n’avons ni roi, ni peuple ni nation à craindre. Le mal se dissimule uniquement
dans nos murs. C’est un mal intérieur, une maladie intestine. Il est du devoir
de chacun de nous d’y remédier au maximum de nos capacités. Si vous me
promettez de tout faire pour soutenir la dignité commune, j’exaucerai
certainement le vœu le plus cher de la république, à savoir veiller que l’autorité
de cet ordre, qui existait au temps de nos ancêtres, puisse dès maintenant,
après un long intervalle, être rendue à l’État.
    Là-dessus, il s’assit.
    Eh bien, il s’agissait assurément d’un discours mémorable,
et en accord avec la première loi de la rhétorique de Cicéron qui voulait qu’un
discours devait toujours contenir au moins un élément de surprise. Cependant,
nous n’étions pas encore au bout de notre étonnement. Selon la coutume, quand
le premier consul avait terminé ses remarques d’entrée en charge, il demandait
son avis à son collègue. Le tonnerre d’applaudissements de la majorité et les
insultes en provenance des bancs autour de César et de Crassus s’étaient à
peine apaisés que Cicéron lança :
    — Le sénat donne la parole à Antonius Hybrida !
    Hybrida, qui était assis au premier rang, sur le banc le
plus proche de Cicéron, jeta un coup d’œil penaud en direction de César puis se
leva.
    — Ce projet de loi proposé par Rullus – d’après
ce que j’en ai vu –, je dois dire… ne me paraît pas, d’après moi – étant
donné l’état de la république –, une si bonne idée que ça.
    Il ouvrit et referma la bouche à plusieurs reprises.
    — Je suis contre, lâcha-t-il enfin avant de se rasseoir
abruptement.
    Après un instant de silence, un grand bruit jaillit du
sénat, mêlant toutes sortes d’émotions – dérision, colère, plaisir,
ahurissement. De toute évidence, Cicéron venait de réussir un véritable coup
politique car tout le monde avait tenu pour acquis qu’Hybrida soutiendrait ses
alliés du parti populaire. Et voilà qu’il venait de se retourner complètement,
et pour un motif des plus évidents – si Cicéron se désistait pour
obtenir le gouvernement d’une province, la Macédoine allait donc lui revenir !
Les sénateurs patriciens qui occupaient les bancs derrière Hybrida se
penchaient en avant pour lui taper dans le dos en lui prodiguant leurs
félicitations sarcastiques. Lui se tortillait sous leurs railleries et
regardait nerveusement ses anciens amis, de l’autre côté de l’allée. Catilina
semblait pétrifié, comme un homme changé en statue. Quant à César, il se
contenta de se laisser aller en arrière, bras croisés, et de se perdre dans la
contemplation du plafond du temple, secouant la tête et souriant vaguement
pendant que le vacarme continuait.
     
    Le reste de la séance fut nettement moins agité. Cicéron parcourut
la liste des préteurs et entreprit d’appeler un par un les anciens consuls pour
leur demander leur avis sur la loi agraire de Rullus. Ils se partagèrent
exactement suivant les lignes des factions. Cicéron n’appela même pas César :
celui-ci était encore trop jeune dans la course aux honneurs et ne bénéficiait
pas encore de l’ imperium . La seule note réellement menaçante émana de
Catilina.
    — Tu t’es proclamé consul du peuple, dit-il d’un ton
méprisant à Cicéron lorsque vint enfin son tour de s’exprimer. Eh bien, nous
allons voir ce que le peuple aura à dire là-dessus !
    Mais cette journée était celle du nouveau consul et, quand
la lumière commença à décliner et qu’il déclara la séance levée jusqu’à la fin
des fériés latines, les patriciens l’escortèrent à travers la cité, du temple
jusqu’à chez lui, comme s’il était des leurs et non un « homme nouveau »
tant méprisé.
    Cicéron était de fort belle humeur lorsqu’il franchit le
seuil de sa maison, car rien n’est plus jouissif en politique que de prendre
ses adversaires au dépourvu, et l’on ne parlait plus que de la défection d’Hybrida.
Quintus, cependant, était furieux, et à peine la maison se fut-elle vidée des
sympathisants qu’il se tourna vers son frère avec une colère que je ne lui
avais jamais vue auparavant. La scène était d’autant plus embarrassante qu’Atticus
et Terentia étaient également présents.
    — Pourquoi n’as-tu consulté aucun d’entre nous avant de
céder ta

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