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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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Pompée ! Peu
importait qu’en fait Mithridate se fût suicidé et n’eût point succombé aux
coups romains. (Le vieux tyran avait avalé du poison, mais des années passées à
prendre des antidotes prophylactiques l’avaient immunisé, et il fut contraint
de demander à un soldat de l’achever.) Peu importait que, d’après les personnes
les mieux informées, Lucius Lucullus, qui attendait encore son triomphe aux
portes de Rome, fût en réalité le stratège qui avait mis Mithridate à genoux.
Tout ce qui comptait était que Pompée fût le héros du moment, et Cicéron sut ce
qu’il lui restait à faire. À peine les clameurs se furent-elles tues qu’il se
leva et proposa de décréter cinq jours de grâces nationales en l’honneur du
génie de Pompée. Il fut chaleureusement applaudi. Puis il pria Hybrida de
formuler quelques louanges inarticulées et permit ensuite à Celer de louer son
frère pour avoir parcouru mille milles dans le seul but de leur apporter la
bonne nouvelle. Ce fut alors que César se leva ; Cicéron lui céda la
parole par égard pour son statut de grand pontife et en supposant qu’il allait
prononcer les remerciements rituels aux dieux.
    — Avec tout le respect dû à notre consul, ne
sommes-nous pas pingres dans notre gratitude ? fit César d’une voix
doucereuse. Je propose un amendement à la motion de Cicéron. Je demande que la
période de grâce soit portée à dix jours pleins, et que pendant le reste de sa
vie, Gnaeus Pompée soit autorisé à porter sa robe triomphale aux Jeux, afin que
le peuple romain puisse se souvenir, même pendant ses loisirs, de la dette qu’il
a envers lui.
    J’entendais presque les dents de Cicéron grincer derrière
son sourire forcé lorsqu’il accepta l’amendement et le soumit au vote. Il
savait que Pompée ne manquerait pas de remarquer que César s’était montré deux
fois plus généreux que lui. La motion passa avec une seule voix contre :
celle du jeune Marcus Caton, qui déclara d’une voix furieuse que le sénat
traitait Pompée comme s’il était un roi et le flattait d’une façon qui aurait
rendu malades les fondateurs de la république. Il fut hué, et des sénateurs
siégeant près de lui s’efforcèrent de le faire asseoir. Mais en regardant les
visages de Catulus et d’autres patriciens, je vis combien ces paroles les
avaient mis mal à l’aise.
     
    De tous ces grands personnages de l’Histoire qui nichent
telles des chauves-souris dans ma mémoire et s’envolent de leur grotte la nuit
pour troubler mes rêves, Caton est le plus étrange. Quelle curieuse créature !
Il n’avait à l’époque guère plus de trente ans et son visage était déjà celui d’un
vieillard. Très anguleux, les cheveux mal peignés, il ne souriait jamais, se
lavait rarement et dégageait une odeur assez fétide. L’esprit de contradiction
était sa religion. Quoique immensément riche, il ne montait jamais dans une
litière ni une voiture mais se rendait partout à pied et refusait même souvent
de porter des souliers, voire une tunique – il cherchait, disait-il,
à se former, à ne jamais se soucier de l’opinion du monde sur quelque question
que ce fût, futile ou grave. Les préposés au Trésor le redoutaient. Il avait
été jeune questeur au Trésor pendant une année, et ils me racontaient souvent
comment il les avait contraints à justifier chaque dépense, jusqu’aux sommes
les plus infimes. Même après avoir quitté sa charge, il arrivait toujours au
sénat avec des livres de comptes du Trésor, et il allait s’asseoir à sa place
habituelle, sur le banc le plus reculé, pour se pencher au-dessus des chiffres
en se balançant doucement d’avant en arrière, inconscient des rires et des
quolibets des hommes autour de lui.
    Le lendemain du jour où nous apprîmes la défaite de
Mithridate, Caton vint voir Cicéron. Le consul émit un grognement quand je lui
annonçai que Caton attendait. Il le connaissait depuis longtemps et l’avait
brièvement représenté dans une affaire où Caton – sur le coup d’une
de ses lubies – avait décidé de poursuivre sa cousine Lepida pour la
contraindre de l’épouser. Il me demanda néanmoins de le faire entrer.
    — Pompée doit être démis de son commandement sur-le-champ,
annonça Caton à l’instant où il pénétrait dans le bureau, et prié de rentrer
immédiatement.
    — Bonjour, Caton, dit Cicéron avec lassitude. Cela
paraît un peu sévère, tu ne

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