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D'Alembert

D'Alembert

Titel: D'Alembert Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Bertrand
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traitait si mal, marque un étonnement bien naturel. D'Alembert lui répond : «A propos de Lalande, il est vrai que nous sommes raccommodés parce qu'il en a témoigné un grand désir et qu'au fond je suis bon diable». Le mot est très juste ; d'Alembert a des colères et des mots piquants, il dit sur tous toute la vérité, mais n'en veut à personne.
Le vaniteux Fontaine, quoi qu'en ait dit Diderot, n'était ni estimé ni aimé de d'Alembert. Il en parle souvent avec dédain, et quand il annonce sa mort à Lagrange, c'est avec plus que de l'indifférence. «Monsieur Fontaine est mort dans un état fort misérable, accablé de dettes et même ruiné ; le tout par sa faute et pour avoir eu la vanité de vouloir être seigneur de paroisse et d'avoir acheté pour cela une terre qu'on lui a vendue un prix fou et qu'il n'a pas pu payer.
«C'était un homme de génie, mais d'ailleurs un fort vilain homme. La société gagne à sa mort encore plus que la géométrie n'y perd.» Fontaine n'était pas un homme de génie, d'Alembert le savait bien, mais il fallait aiguiser la pointe de l'épigramme.
Lagrange répond :
«J'ai été fort touché de la mort de M. Fontaine et surtout des circonstances qui l'ont accompagnée, quoiqu'il se fût déchaîné contre moi sans rime ni raison. Le souvenir de ses anciennes bontés pour moi m'empêchait cependant de lui vouloir du mal.»
Les traits lancés par d'Alembert contre ses confrères sont continuels.
Lorsque Lagrange est nommé associé étranger de l'Académie des sciences, une voix manque à l'unanimité.
    C'est celle d'un médecin nommé Hérissent, «très plat sujet et bien méchant bougre».
Lorsque l'Académie choisit l'abbé Bossut, géomètre estimable, auteur d'une très bonne histoire des mathématiques, d'Alembert écrit en annonçant ce choix :
«Nous avions pourtant grand besoin de géomètres.» Deparcieux, homme à projets utiles, que Voltaire a appelé grand géomètre, est caractérisé par d'Alembert comme un de ces hommes qu'il est bon d'avoir dans les Académies afin que les gens en place soient persuadés qu'elles sont bonnes à quelque chose.
D'Alembert d'ailleurs-c'est à la fois une explication et une excuse-n'épargne pas à ses propres ouvrages ses jugements dédaigneux ou sévères. «Je m'amuse, écrit-il à Lagrange, à faire imprimer deux volumes d'opuscules qui comprennent tous les rogatons géométriques que j'imprime, pour m'en débarrasser, comme les femmes qui épousent leurs amants pour s'en défaire.»
Je ne quitterai pas la correspondance entre d'Alembert et Lagrange sans y relever un trait piquant qui trouverait difficilement place ailleurs.
D'Alembert protégeait et aimait le jeune Lagrange ; il avait, lors d'un voyage de Turin à Paris, recommandé le grand géomètre à son ami Voltaire, dont le domaine des Délices se trouvait sur la route. Le jeune protégé de d'Alembert, accueilli gracieusement par l'auteur de la Henriade, de Zaïre, de l'Essai sur les moeurs et de Candide, il y en avait pour tous les goûts, ne parut nullement ébloui. Il écrit à d'Alembert : «J'ai passé par Genève, comme je me l'étais proposé, et, à la faveur de votre recommandation, j'ai eu l'honneur de dîner chez Monsieur de Voltaire, qui m'a fait un très gracieux accueil.
    Il était ce jour-là en humeur de rire et ses plaisanteries tombaient toujours, comme de coutume, sur la religion, ce qui amusa beaucoup toute la compagnie.
C'est, en vérité, un original qui mérite d'être vu.»
Voltaire n'a pas même remarqué le géomètre ; le nom de Lagrange dans ses lettres n'est pas prononcé. On l'aurait bien surpris en lui prédisant que ce jeune homme insignifiant, qui le trouvait curieux à voir, occuperait dans l'histoire de l'esprit humain une place plus haute sinon plus grande que la sienne.
L'esprit de d'Alembert est complexe, mais son coeur est facile à connaître. L'effort nécessaire pour la dissimulation dépassait ses forces. Ses amitiés, ses amours, ses dédains et ses haines, son incrédulité et son scepticisme étaient connus de quiconque l'approchait, et lorsque, désireux de tranquillité, il prenait la résolution d'être correct et prudent, il ne tardait pas à rire de lui-même, comme il voulait rire de Tout.

CHAPITRE III - D'ALEMBERT ET L'ENCYCLOPÉDIE
    Dans la satire trop vantée de l'envieux Gilbert, dont, par une rare et injuste fortune, les vers ingénieusement méchants sont presque tous demeurés célèbres, on a

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