Dans le jardin de la bête
leur collection des papiers de Thornton Wilder afin de me fournir des copies des lettres que lui avait envoyées Martha Dodd. D’autres archives se sont avérées également utiles, en particulier les collections d’histoire orale à l’université de Columbia et à la New York Public Library.
J’ai tendance à me méfier des ressources en ligne mais j’en ai repéré plusieurs qui se sont révélées extrêmement utiles, dont un ensemble numérisé de lettres entre Roosevelt et Dodd, avec l’aimable autorisation de la Franklin Delano Roosevelt Presidential Library à Hyde Park, New York, et les calepins d’Alexander Vassiliev, l’ex-agent du KGB devenu chercheur, qui les a mis à la disposition du public via le site Internet du Cold War International History Project au Woodrow Wilson Center for Scholars à Washington. Quiconque le souhaite peut aussi feuilleter sur écran ce qu’on appelle le projet Venona, des communications ultra secrètes entre le siège de Moscou et les agents du KGB aux États-Unis, interceptées et décodées par les fonctionnaires du renseignement américain, dont des missives impliquant Martha Dodd et Alfred Stern. Jadis un des secrets les mieux gardés des États-Unis, ces documents sont actuellement disponibles sur le site Internet de la National Security Agency et révèlent que non seulement l’Amérique était infestée de barbouzes, mais que l’espionnage avait tendance à être une activité affreusement banale.
Un défi auquel j’ai dû faire face au cours de mes recherches a été de tenter de me représenter le quartier de Tiergarten dans le Berlin d’avant-guerre, où Dodd et Martha passèrent beaucoup de temps et qui fut en grande partie rasé par les bombardements alliés et l’assaut final des Russes pour libérer la ville en 1945. Je me suis procuré un guide Baedeker d’avant-guerre, qui s’est révélé fort précieux : j’ai pu situer des lieux essentiels, tels que le Romanisches Café, au 238 du Kurfürstendamm, et l’Hôtel Adlon, au n° 1 de l’avenue Unter den Linden. J’ai lu de très nombreux récits de l’époque, qui m’ont permis de me faire une idée de la vie quotidienne à Berlin, tout en gardant en tête que les auteurs de mémoires des années nazies ont tendance à réduire dans leur récit leur complicité avec la montée en puissance et la mainmise du parti nazi, parfois en décalage avec la réalité. L’exemple le plus flagrant de cela est sans doute la publication des Mémoires de Franz von Papen en 1953, dans lesquels il prétend avoir préparé son discours de Marbourg « avec grand soin », une affirmation que personne ne prend au sérieux. Ce fut autant une surprise pour lui que pour son auditoire.
Les romans quasi autobiographiques de Christopher Isherwood, M. Norris change de train et Adieu à Berlin , m’ont été particulièrement utiles pour leurs observations sur l’aspect et l’atmosphère de la ville dans les années précédant immédiatement l’accession d’Hitler au pouvoir, quand Isherwood demeurait à Berlin. J’ai pris un grand plaisir à visiter de temps à autre YouTube.com pour chercher de vieilles bandes d’actualités de Berlin, parmi lesquelles un film muet de 1927 intitulé Berlin : die Symphonie der Großstadt (Berlin : Symphony of a Great City) , qui cherchait à fixer une journée entière de la vie dans la capitale allemande. J’ai été particulièrement content de dénicher un film de propagande de 1935, Miracle de l’aviation , dont le but était d’attirer des jeunes gens dans la Luftwaffe, dans lequel un des anciens amants de Martha, Ernst Udet, est mis en avant et montre même son appartement berlinois, lequel ressemble beaucoup à la description que Martha en donne dans ses mémoires.
La State Historical Society of Wisconsin s’est révélée être un trésor de documents de référence, afin de recréer la trame et l’étoffe de la vie dans le Berlin d’Hitler. C’est là que j’ai découvert les archives de Sigrid Schultz, Hans V. Kaltenborn et Louis Lochner. À une courte et agréable distance à pied, dans la bibliothèque de l’université du Wisconsin, j’ai également pu consulter un lot d’archives sur Mildred Fish Harnack, la seule ancienne étudiante de cette université qui ait été décapitée sur l’ordre d’Hitler.
Mais le plus important, ce sont les moments que j’ai vécus à Berlin. Ce qui reste de la ville suffit à fournir une
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