Dans le jardin de la bête
correspondance avec eux. Boris écrivait ses lettres en allemand, pimentées d’expressions anglaises et de Darling ! occasionnels. Pour comprendre ces lettres, je me suis adressé à une résidente, comme moi, de Seattle, Britta Hirsch, qui a courageusement traduit de longs extraits de documents beaucoup moins passionnants, parmi lesquels un ancien acte de vente de la maison de la Tiergartenstrasse et des passages de Lucifer Ante Portas , les mémoires de Rudolf Diels.
Concernant le journal de l’ambassadeur Dodd, des questions persistent quant à savoir s’il s’agit réellement d’un journal intime au sens classique, ou s’il s’agit plutôt d’un recueil de ses écrits rassemblés par Martha et Bill sous forme de journal. Martha a toujours soutenu qu’il s’agissait d’un véritable journal. Robert Dallek, le biographe des présidents, s’est débattu avec la question dans la biographie de William Dodd qu’il a écrite en 1968, intitulée Democrat and Diplomat , et il avait l’avantage d’avoir reçu une lettre de Martha dans laquelle elle en décrivait la genèse. « Le texte est parfaitement authentique, affirma-t-elle à Dallek. Dodd possédait deux dizaines de carnets de taille moyenne d’un noir brillant dans lesquels il écrivait presque chaque soir, dans son bureau de Berlin avant de se coucher, et à d’autres moments aussi. » Ceux-ci, expliqua-t-elle, formaient le noyau du journal, et son frère et elle y avaient inséré des extraits de discours, de lettres et de rapports qu’ils avaient trouvés annexés à l’intérieur. Le premier jet, d’après la lettre de Martha, formait un texte de mille deux cents pages, qui fut réduit à la demande de l’éditeur par un rédacteur professionnel. Dallek estime que ce journal est « globalement fidèle ».
Tout ce que je peux ajouter au débat, ce sont des petites trouvailles de ma part. Au cours de mes recherches à la Bibliothèque du Congrès, j’ai trouvé un journal relié cuir couvrant l’année 1932. À tout le moins, cela témoigne de la pratique de Dodd en tant que diariste. Il est archivé dans le dossier 58. Dans les autres papiers de Dodd, j’ai déniché des références indirectes à un journal plus complet et plus confidentiel. L’allusion la plus éloquente apparaît dans une lettre de Mme Dodd à Martha, datée du 10 mars 1938, écrite peu avant que l’ambassadeur à la retraite se rende à New York. « Il emporte plusieurs de ses journaux pour que tu les regardes, écrit-elle à Martha. Laisse-le repartir avec car il en aura besoin. Fais attention aux passages que tu cites. »
Finalement, après avoir lu les mémoires de Martha, son roman au sujet de Udet, consulté ses archives, et pris connaissance des milliers de pages de la correspondance de l’ambassadeur Dodd, comprenant ses télégrammes et rapports, je puis avancer ces observations intangibles qui viennent après la fréquentation prolongée d’un corpus de documents : le journal publié paraît bien avoir été écrit par Dodd, semble authentique et exprime des sentiments qui sont en parfait accord avec ses lettres à Roosevelt, Hull et d’autres personnes.
Il s’est avéré que la succursale des Archives nationales à College Park, Maryland, appelée National Archives II, possédait une étonnante collection de documents, conservée dans vingt-sept cartons, en rapport avec l’ambassade et le consulat des États-Unis à Berlin, dont l’inventaire de toute la vaisselle dans l’un et l’autre bâtiments, jusqu’au nombre de rince-doigts. La Bibliothèque du Congrès, où sont déposées les archives de William et Martha Dodd, Cordell Hull et Wilbur J. Carr, s’est révélée comme toujours un don du ciel pour la recherche. À l’université du Delaware, à Newark, j’ai examiné les papiers de George Messersmith, une des plus belles collections archivées que j’aie jamais vues, et j’ai eu le plaisir pendant ce séjour de résider chez mes grands amis Karen Kral et John Sherman et de boire beaucoup trop. À Harvard – qui a refusé ma demande d’inscription en licence il y a quelques années, sûrement une négligence que j’ai en grande partie pardonnée –, j’ai passé des journées délicieuses à consulter les archives de William Phillips et de Jay Pierrepont Moffat, deux anciens de l’université. À Yale, l’équipe de la Beinecke Rare Book and Manuscript Library a eu l’amabilité de plonger dans
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